Il y a un an à cette même période, le monde du baseball était en pleine effervescence avec la perspective de la World Baseball Classic et le début de la saison MLB. Et on peut dire que l’année 2023 nous a régalés entre le titre du Japon d’Ohtani face à Team USA, le retour des London Series et la première victoire en World Series des Texas Rangers. Nous avons eu droit à notre lot d’émotions, de beau jeu, de surprises, de déceptions, de rencontres, d’au-revoir (bye-bye Waino et Miggy)… et nous voilà déjà au départ de la saison 2024! Même sans compétition internationale à venir (il faudra attendre 2028 pour revoir le baseball/softball au programme des JO), on a hâte d’entendre PLAYBALL. Et pour tout savoir de cette saison MLB qui approche aussi vite qu’une balle lancée par Nolan Ryan, la rédac de The Strike Out vous propose sa traditionnelle série de previews. On s’intéresse aujourd’hui aux Seattle Mariners, qui tenteront de retrouver la postseason.

Retour sur 2023
On avait quitté les Mariners en Division Series en 2022. Qualifiés pour les playoffs grâce au Walk-Off Home Run de Cal Raleigh en Octobre, les Mariners avaient facilement disposé des Blue Jays lors de la Wild Card avant de se casser les dents sur plus fort, beaucoup plus fort qu’eux, lors de DS à sens unique contre des Astros en route pour leur deuxième victoire en World Series, indiscutable cette fois. Mais le décor était planté, les Mariners avaient finalement vaincu la malédiction et mis fin à 21 ans hors de la postseason, et ce n’était que le début.
Et, il faut l’admettre, les Mariners ont montré en 2023 qu’ils avaient le niveau et les qualités pour revenir se mêler aux luttes d’octobre. Las, une division beaucoup trop relevée avec les Astros, champions sortants, les Rangers, nouveaux champions, et un craquage dans la dernière ligne droite ont levé un rideau cruel sur une saison qui méritait bien mieux qu’une sortie par la porte de service. 88 victoires, il en aurait fallu une de plus pour atteindre la Wild Card, deux de plus pour être sur un pied d’égalité avec les Astros et les Rangers… Il aurait suffit de presque rien, mais c’est la dure loi du sport.
Alors, qu’est-ce qu’il a manqué aux Mariners pour se mêler à la lutte pour le titre – car clairement, si les Diamondbacks et les Rangers pouvaient y aller, eux aussi – ou au moins une vie en postseason ? Un bon mois de septembre d’abord : ignorons tout ce qui se passe avant juillet, les Mariners étaient dans le mix, mais sans plus. Et puis il y a eu les 17 victoires (9 défaites) en juillet, les 21 victoires pour seulement 6 défaites en août, et voilà que l’on se retrouve avec un contender. Les Mariners ont entamé le mois de Septembre en tête, à égalité avec les Astros et une victoire devant les Rangers. Mais c’est là qu’ils ont craqué et, en plus de craquer, craqué aux pires moments. Le bilan de 11-17 en Septembre et début Octobre n’était pas bien pire que ceux de leurs adversaires directs (13-14 et 15-14) mais le 5-1 subi lors de deux séries successives contre les adversaires directs aura fait la différence. Les Mariners auront eu beau remporter leur dernière série contre les Rangers. Too little, too late.

On l’a dit, les Mariners se sont cassé les dents sur la dernière marche mais il ne faut tout de même pas oublier une saison exemplaire, malgré quelques galères individuelles. On évacuera ainsi rapidement le cas Robbie Ray qui n’a lancé que 3 manches en 2023 avant de subir une opération Tommy John lors de sa dernière année de contrat ; il a désormais rejoint les Giants. Marco Gonzales est lui tombé le 3 juin avec une blessure à l’avant-bras : fin de saison, fin de contrat ; il a depuis rejoint les Pirates. Évoquons enfin Jared Kelenic, l’ancien top prospect des Mets qui a connu un début de saison flamboyant, frappant comme un MVP en avril (.308, .366, .615), comme un bon joueur de MLB en mai et comme un mec normal en juin et juillet. Il a fait les comptes lui-même : un grand coup de latte dans une fontaine à eau lui a permis de prendre 6 semaines de repos. Le retour n’a pas été convaincant. Il a été tradé en décembre aux Braves qui, sans aucun doute, vont faire de lui le monstre que l’on attend depuis si longtemps.
Mais passons sur les déceptions, car les Mariners ont surtout confirmé qu’ils avaient non seulement une équipe solide, mais aussi de véritables superstars : on pense évidemment tout de suite à Julio Rodriguez et Luis Castillo, le patron du lineup et le patron du pitching. Et à raison, puisque le premier a livré une saison digne de sa réputation naissante (32 HR, 103 RBI, 37SB, 128 OPS+), qui lui a valu une deuxième convocation au All-Star Game, une quatrième place au classement du MVP de l’American League et un Silver Slugger. Castillo, lui, a lancé 197 manches pour 219 SO un ERA de 3.34 (1.096 WHIP) obtenant lui aussi une invitation chez les All-Stars et une cinquième place au classement du Cy Young Award. Mais la grande nouvelle, c’est que Rodriguez et Castillo ne sont plus seuls. George Kirby a confirmé sa superbe saison de rookie avec une saison 2023 comparable en tous points à celle de Castillo (190.2 IP, 189 SO, 3.35 ERA, 1.075 WHIP, 8e du Cy Young), Logan Gilbert continue de s’affirmer comme une valeur sure et les rookies Bryce Miller et Bryan Woo ont été plus que satisfaisants pour leurs débuts dans le Show, tenant leur rôle à la perfection en l’absence de Ray et Gonzales.
Ajoutez à cela un bullpen performant même après le départ de Paul Sewald : le closer attitré des Mariners est parti rejoindre les Diamondbacks à la trade deadline, après un début de saison conforme à ses standards (43 IP, 2.93 ERA, 21/24 SV), et le trio Matt Brash (70.2 IP, 3.06 ERA, 107 SO), Justin Topa (69 IP, 2.61 ERA) et Andres Munoz (49 IP, 2.94 ERA et 13/16 SV) a parfaitement tenu les fins de matchs en fin de saison, permettant au passage aux Seattle Mariners, sans faire de bruit, de terminer la saison avec le meilleur ERA collectif (3.74) d’American League et le troisième des Ligues Majeures. A confirmer en 2024.
Côté lineup, c’est l’éternel grand espoir J.P. Crawford qui, à 29 ans, a enfin sorti une saison digne de ce que l’on attendait de lui. 16e au classement du MVP, Crawford a su ajouter un peu de puissance de frappe à sa traditionnelle excellence défensive. Avec 19 HR et 35 doubles, il a grandement fait avancer les destinées de son équipe sur les sentiers. D’autant plus qu’il a aussi obtenu 94 buts sur balles (pour 125 SO), meilleur total en American League. Alors bien entendu, J.P. Crawford ne sera jamais Alex Rodriguez, mais l’ancien premier tour de draft a peut-être, enfin, réussi à débloquer son potentiel. Si Kelenic n’a pas vraiment tenu le coup après son bon début de saison, Cal Raleigh et Teoscar Hernandez ont eux aussi contribué aux bons résultats des Mariners avec respectivement 54 et 57 extra-base hits (dont 30 et 26 HR). Eugenio Suarez a fait du Eugenio Suarez (.232, 214 SO mais 22 HR et 96 RBI) et Ty France, pas aussi flamboyant qu’en 2022 a tout de même tenu la baraque lui aussi. Suffisant pour s’installer dans la première partie de tableau au nombres de runs marqués, mais il en aurait fallu un peu plus pour arracher ces dernières victoires et la qualification en postseason. Les recrues hivernales pourront-elles changer cet état de faits ?
Qu’attendre en 2024 ?
Alors, comment se mêler une fois de plus a la lutte avec les Astros et les Rangers, et espérer revenir en postseason en 2024 ? Le PBO Jerry Dipoto a été très clair, ce ne sera pas par la signature de gros free agents ou des trades pour des superstars, mais par des paris et des choix que le front office de Seattle espère fructueux. Ainsi, les Mariners se sont surtout attachés à renforcer les postes faibles, comme le poste de 2eme base : Kolten Wong, catastrophique en début de saison, et José Caballero tout juste correct une fois dans la peau d’un titulaire, ne sont plus au club. C’est désormais Jorge Polanco, une valeur sûre offensivement et défensivement, qui accompagnera J.P. Crawford au cœur de l’Infield, tandis que le polyvalent Josh Rojas, lui aussi utilisé sur le chantier du poste de 2B l’an dernier, glissera en troisième base en lieu et place d’Eugenio Suarez, tradé aux Diamondbacks en Novembre. L’infield sera complété par les inévitables J.P. Crawford et Ty France en shortstop et première base, tandis que Mitch Garver arrive en backup de Cal Raleigh, qui sera encore le receveur titulaire des Mariners pour 2024. Mitch Garver devrait principalement occuper le poste de DH dans l’ordre de frappe.
Dans l’outfield le joueur clé sera bien entendu, une fois de plus, la superstar Julio Rodriguez dans le champ centre. Pour l’accompagner, les DBacks ont décidé de combiner jeunesse et expérience. L’expérience d’abord, en allant rechercher Mitch Haniger (RF), une des stars des Mariners avant l’ère Rodriguez, mais en échec l’an dernier chez les Giants. La jeunesse ensuite, en faisant confiance à Dominic Canzone (LF), arrivé avec Josh Rojas lors du trade de Paul Sewald l’an dernier. Il devra s’imposer en 2024 après une saison rookie plutôt quelconque, lui dont la puissance de batte et de bras ont attiré l’œil du front office de Seattle, sous peine de rapidement perdre sa place dans un roster ou personne, hormis Julio Rodriguez, Cal Raleigh et peut-être J.P. Crawford, n’est à l’abri de la concurrence.
On notera dans cet esprit les arrivées du receveur Seby Zavala (dans le trade pour Suarez), de l’infielder Luis Urias et du polyvalent Luke Raley. Si le premier, comme Garver, devrait se contenter d’un rôle de backup de Cal Raleigh, les deux autres auront une véritable chance à saisir pour tenter de gagner leur place dans l’ordre de frappe, tout comme l’utility-man d’expérience Dylan Moore et l’infielder prospect Ryan Bliss, qui pourrait rapidement bouleverser l’ordre au cœur de l’infield si Polanco ne convainc pas rapidement.
Côté lanceurs, les Mariners démarreront 2024 avec la rotation qui a terminé la saison 2023, soit Luis Castillo et les quatre bras issus du farm system que sont Georges Kirby, Logan Gilbert, Bryce Miller et Bryan Woo. Pour ces quatre-là, 2024 se doit d’être l’année de l’affirmation ou de la confirmation, car une saison 2024 comparable ou supérieure à la précédente passera forcément, encore une fois, par un pitching staff capable de se mesurer aux meilleurs de la Ligue. Le bullpen, en revanche, a vu quelques bouleversements avec les départs de Sewald en cours de saison et de Justin Topa en Janvier (dans le trade pour Polanco), tandis que Matt Brash pourrait débuter la saison sur l’IL pour une inflammation au coude. Pour remplacer les absents, Seattle a notamment choisi de recruter l’ancien releveur des Astros Ryne Stanek (50.2 IP, 4.09 ERA en 2023) ainsi qu’Austin Voth, free agent après son départ des Orioles. Mais le véritable ajout majeur du bullpen de Seattle, Gregory Santos (66.1 IP, 3.39 ERA), pourrait lui aussi débuter la saison sur l’IL, avec une blessure musculaire au dos. Rien de trop grave a priori, et les fans des Mariners pourront bientôt pousser un ouf de soulagement quand il enfilera pour la première fois l’uniforme des Mariners en MLB.
Vous l’aurez compris, pas de révolution de palais du côté du T-Mobile Park, mais un groupe solide avec un peu d’expérience en rab dans le lineup. Les Mariners devraient tenir la route. De là à dire que cela suffira pour aller bousculer les équipes du Texas…
Le joueur à suivre : Ryan Bliss
Arrivé dans l’Etat de Washington en juillet dernier, lors du trade de Paul Sewald aux Diamondbacks, Ryan Bliss n’a pas perdu de temps pour se faire remarquer en AAA avec les Tacoma Rainiers, s’offrant notamment 10 HR et 20 buts volés en seulement 47 matchs dans sa nouvelle franchise. Prospect numéro 12 des Mariners, Bliss est aussi l’un des visages que l’on devrait apercevoir assez rapidement sur les terrains de MLB, d’autant que ses performances lors du Spring Training, tant défensivement qu’au bâton , malgré un échantillon réduit, ont attiré l’œil des observateurs et de son front office. Joueur de poche (1.68m, comme Jose Altuve), spécialiste de la seconde base mais également capable de jouer au poste de shortstop, constant à la frappe et agressif sur bases (.304 et 55 vols l’an dernier, entre les niveaux AA et AAA), Ryan Bliss est l’un de ces joueurs qui n’attendent que le feu vert de leur front office pour tenter leur chance au niveau Majeur, avec une bonne chance d’y briller.
Trois fois joueur du mois en 2023 (deux fois en AA, une fois en AAA), sélectionné au Futures Game de MLB, nommé joueur défensif de l’année lors de l’Arizona Fall League, Ryan Bliss doit maintenant attendre sa chance dans l’ombre de Polanco, le titulaire en deuxième base, et devrait débuter la saison 2024 en dehors du roster actif. Mais s’il continue à enchaîner les bonnes prestations avec les Rainiers, et si les circonstances le permettent, on pourrait rapidement le voir débarquer dans les Big Leagues, et pourquoi pas, même, dans la course pour le trophée de Rookie of the Year.
La Star : Julio Rodriguez
J’ai hésité quelques instants entre Julio Rodriguez et Luis Castillo, les deux superstars de ce roster des Mariners, mais il a fallu se rendre à l’évidence, il n’y a qu’une Mega Star à Seattle, et c’est bien le centerfielder dominicain. A 23 ans tout juste, Julio Rodriguez va entamer sa troisième saison dans le show, dont il est déjà l’un des visages incontournables. Deux fois All-Star, Rookie of the Year pour sa première saison, deux fois dans le top 10 du MVP depuis, Rodriguez sait absolument tout faire, et il sait tout faire mieux que (presque) tout le monde. Frappeur de moyenne autant que de puissance (.279, 60 HR et 178 RBI sur 287 matchs en carrière), solide voleur de bases (37 en 2024) et défenseur hors-pair au champ centre (il était finaliste en 2023 pour le Gold Glove, remporté par Kevin Kiermayer), Julio Rodriguez ne semble pas avoir de limite et n’a pas l’intention de s’en fixer.
Pour sa première saison dans le show, Julio Rodriguez avait montré l’exemple sur le terrain, menant ses coéquipiers vers une première présence en postseason depuis 21 ans. Il s’en est fallu de peu pour qu’ils y retournent l’an dernier, et l’objectif est plus que jamais de re-goûter aux joutes d’Octobre. Pour guider son équipe vers cet objectif, J-Rod devra éviter le léger slump qu’il a connu en début de saison dernière (une moyenne de .204 et un OPS de .656 au 21 mai, juste avant que la machine ne démarre) et continuer à progresser pour, pourquoi pas, cocher une nouvelle case de sa feuille d’objectifs dès 2024 : septième du MVP en 2022, quatrième en 2023, Julio Rodriguez est plus que jamais parmi les favoris pour s’imposer comme le tout meilleur joueur d’American League dès cette année.
Le prono
Un grand Luis Castillo et un grand Julio Rodriguez ne suffiront pas aux Seattle Mariners pour aller chercher une qualification en postseason. Dans une division qui devrait se jouer entre trois équipes, les Angels étant occupés à reconstruire et les Athletics à déménager, les Mariners ne partent clairement pas favoris. Les paris sont nombreux, et notamment celui de la rotation malgré les satisfactions de la saison dernière. Si la jeune rotation tient le coup, et arrive a poster des chiffres similaires à ceux de l’an dernier, si le bullpen continue de briller sans Sewald, si le lineup arrive à enchaîner des performances de haut de tableau offensivement et défensivement, et si les Astros ou les Rangers laissent un peu de place aux Mariners pour y planter la graine de l’espoir, alors Seattle peut y croire.
Il faudra 90 victoires, au moins, pour une Wild Card, et bien des équipes d’American League semblent mieux armées que Seattle pour les obtenir, mais Seattle ne sera pas loin et, avec les choix judicieux à la trade deadline, qui sait… Personnellement, j’ai envie d’y croire tellement cette équipe des Mariners m’est sympathique, mais j’ai beaucoup de mal à croire que tous les paris de Dipoto et Servais s’avèrent payants.
Mon pronostic : 86-76, 3e d’AL West
Le pari fou
Castillo et Kirby envoient le feu et finissent premier et troisième du Cy Young, Logan Gilbert poste un ERA inférieur à 3, Woo et Miller envoient 160 manches solides chacun… La rotation des Seattle Mariners nous offre une saison absolument dingue, comparable seulement à celle des Braves de 1998, avec un ERA collectif de 2.99 pour les lanceurs partants !
