
Il y a un an à cette même période, le monde du baseball était en pleine effervescence avec la perspective de la World Baseball Classic et le début de la saison MLB. Et on peut dire que l’année 2023 nous a régalés entre le titre du Japon d’Ohtani face à Team USA, le retour des London Series et la première victoire en World Series des Texas Rangers. Nous avons eu droit à notre lot d’émotions, de beau jeu, de surprises, de déceptions, de rencontres, d’au-revoir (bye-bye Waino et Miggy)… et nous voilà déjà au départ de la saison 2024! Même sans compétition internationale à venir (il faudra attendre 2028 pour revoir le baseball/softball au programme des JO), on a hâte d’entendre PLAYBALL. Et pour tout savoir de cette saison MLB qui approche aussi vite qu’une balle lancée par Nolan Ryan, la rédac de The Strike Out vous propose sa traditionnelle série de previews. Focus aujourd’hui sur une équipe qui a brillé la saison dernière, les Arizona DBacks.
Retour sur la saison 2023
Au sortir d’une saison 2022 sans saveur et sans postseason (74-88, 4e place en NL West), les DBacks étaient promis à un nouvel exercice compliqué derrière les mastodontes de leur Division, les Dodgers et les Padres et à un degré moindre les Giants. Les joueurs du Désert réalisent trois bons premiers mois (16-13 en mars/avril, 17-10 en mai, 16-11 en juin) avant de connaître un gros trou d’air en juillet (8-16), un autre à un degré moindre en août (12-15) avant un mini push ô combien important en septembre/octobre (15-13). Le 30 septembre, les DBacks décrochent le dernier billet pour la postseason en National League. Ils terminent avec un bilan final de 84 victoires et 78 défaites, soit un petit match d’avance sur les Cubs dans le classement des Wild Cards. Premier bilan positif depuis 2019 et première participation en PO depuis 2017, année d’arrivée de Torey Lovullo dans l’Arizona (défaite en NLDS face aux Dodgers).
Plaisante surprise et petit poucet de cette saison régulière, les DBacks vont se transformer en rouleau-compresseur en playoffs. Ça commence par un sweep en deux matchs face aux Milwaukee Brewers, champions de NL Central, dans les Wild Card Series. Ça se poursuit avec un grand bang en Division Series : les LA Dodgers et leurs 100 victoires en régulière passent à la trappe en trois matchs secs, n’inscrivant qu’un total ridicule de 6 points. Les DBacks prennent leur revanche sur 2017. Une surprise ok… mais pas une deuxième quand même ? Et bien si ! Les DBacks concèdent leurs premières défaites de cette campagne face aux Phillies, mais menés 2-3 par les finalistes en titre, ils renversent la table en remportant les Matchs 6 et 7 à Philadelphie.
Retour en World Series pour la première fois depuis le titre de 2001. Mais la magie s’arrêtera là avec une défaite en six matchs face à une autre équipe surprenante, les Texas Rangers. Avec les trois défaites concédées au Chase Field de Phoenix, dur pour les supporters. La seule victoire des DBacks arrive au Game 2 : un blowout 9-1 dans le Texas. Tommy Pham s’offre 4 hits, une performance plus vue en WS depuis Pablo Sandoval en 2012. Avec une chance de devenir le premier joueur de l’histoire à signer un parfait 5 sur 5 dans un match de finale, le vétéran est allé voir son coaching staff pour laisser sa place au bâton à son coéquipier Jace Peterson, pour que ce dernier connaisse son premier AB à ce niveau. Grande classe.
Pour rentrer un peu dans le détail, l’attaque s’est montrée moyenne :
- 746 points marqués (14e en MLB).
- 166 HR (22e).
- OPS .730 (17e).
Avec trois joueurs qui sont sortis du lot et qui ont dominé chaque catégorie offensive (ils sont aussi ceux qui ont joué le plus de matchs) :
- Corbin Carroll : 161 hits, 54SB, 116 runs, 10 triples, AVG .285, SLG .506 (voir plus loin).
- Christian Walker : 33HR, 36 doubles, 103RBI.
- Ketel Marte : 71BB.
A retenir aussi les saisons des deux ex-Blue Jays (tradé en échange de Dalton, Varsho, bien joué le Front office des DBacks !) : le jeune catcher Gabriel Moreno (AVG .284 et OPS. 747) et l’outfielder Lourdes Gurriel Jr. : 24HR, 82RBI et 35 doubles.
Côté déceptions : Josh Rojas et Carson Kelly en souffrance en début de saison ont été contraints de faire leurs valises. Le premier envoyé à Seattle à la Deadline en échange de Paul Sewald (re bien joué le Front Office des DBacks) et le deuxième libéré à la mi-août. Le jeune outfielder Alek Thomas a posté la 15e plus mauvaise OPS en saison régulière (.647) pour un batteur avec au moins 400AB au compteur, OPS .647… Trois points de plus que son coéquipier Jake McCarthy (.644). Ce dernier a en revanche couru vite et bien avec 26 bases volées. Et puis Thomas a rattrapé sa décevante régulière par une superbe postseason et notamment ses 4HR.
Côté pitching, là aussi c’était moyen (les fans des Dodgers et des Phillies peuvent vraiment se demander comment les DBacks se sont retrouvés en WS et pas eux !) :
- ERA des starters : 4.57 (21e en MLB)
- ERA des releveurs : 4.16 (18e)
- Total de Strikeouts : 1351 (23e).
Ces chiffres très middle cachent quand même la très bonne dynamique du duo Zac Gallen (17-9, 210IP, 220K, ERA 3.47) – Merrill Kelly (12-8, ERA 3.29). Ryne Nelson, Brandon Pfaadt, Tommy Henry, Zach Davies ont terminé la régulière avec chacun plus de 17 starts pour compléter la rotation qui a clairement manqué de stabilité. Mais le jeune Pfaadt s’est révélé en postseason (voir plus loin). On notera la descente aux enfers de Madison Bumgarner. Le lanceur, triple champion MLB, était le plus gros salaire de l’équipe en 2023. Dans la 4e année de son contrat sur 5, le Front Office a fait le choix de s’en séparer en mai (3 défaites en 4 matchs, ERA 10.23, 15BB et 5HR concédés en 16.2IP) tout en payant le restant de son salaire.
Côté bullpen, on retiendra les 75 sorties de Miguel Castro (ERA 4.31, 7 SV) et surtout la belle saison de Kevin Ginkel (drafté par les DBacks au 22e tour en 2016) : 9-1, ERA 2.48, WHIP .98, 70K en 65.1IP +11.2IP sans point concédé en postseason ; et l’arrivée importante à la Deadline on l’a dit de Paul Sewald : 13 saves en 20 matchs + 8IP sans point dans les trois premiers tours de postseason avant de craquer en WS (6 points concédés en 2IP).
Cette équipe des DBacks capable de fulgurances mais sans être exceptionnelle a réussi à se hisser jusqu’aux World Series en 2023. Le challenge s’annonce forcément compliqué pour Torey Lovullo pour faire mieux en 2024.
Qu’attendre en 2024?
On l’a vu, tout a cliqué parfaitement entre les vétérans et la jeunesse de l’Arizona la saison dernière. Il faut bâtir là dessus pour repartir au front, tout en renforçant l’équipe. Petit marché, Phoenix n’est pas une destination phare pour les agents libres et il faut souvent surpayer les recrues pour les convaincre, mais une bonne nouvelle est venue cet hiver : le proprio Ken Kendrick a indiqué qu’il était prêt à augmenter les salaires de base des joueurs pour faire de son équipe un contender sérieux. Important aussi en vue des fins de contrats de Christian Walker et Paul Sewald à l’issue de la saison.
Les moves réalisés en cette intersaison semblent confirmer que les DBacks veulent jouer dans la cour des grands. Ils ont d’abord – enfin – trouvé leur solide 3e base. No offense pour le vétéran Evan Longoria ou Emmanuel Rivera, mais Eugenio Suarez représente un vrai upgrade (22HR, 96RBI en 2023). Il arrive dans un trade avec les Mariners en échange du pitcher Carlos Vargas et du catcher Seby Zavala. Derrière le marbre justement, signature de Tucker Barnhart pour épauler le jeune Moreno. Les DBacks avaient besoin de puissance car on sait que sortir la balle à Chase Field n’est pas chose aisée, ils compteront pour cela sur Joc Pederson signé pour un an + une option sur 2025. Même contrat pour l’outfielder Randal Grichuk qui sera mis en concurrence avec Alek Thomas ou Jake McCarthy. Le champ gauche reste la zone de jeu de Lourdes Gurriel Jr. Il s’est plu dans l’Arizona et il a plu aux dirigeants qui lui ont proposé un contrat de 3 ans + une année en option en 2027 (42M$). Enfin dernier dossier et pas le plus mince, il fallait renforcer la rotation derrière le one-two punch Gallen-Kelly. Le choix s’est porté sur Eduardo Rodriguez qui a opt-out de son contrat chez les Tigers pour s’engager pour 4 ans et 80M$ avec Arizona. Il a signé en 2023 la meilleure ERA de sa carrière (3.30 en 26 starts, 13-9, 143 K en 152.2IP).

Avec ses re-signatures, départs et arrivées, on arrive à un lineup qui ressemblerait à :
C : Gabriel Moreno. Malgré ses 23 ans, il fait déjà figure de joueur cadre tant il a brillé la saison dernière à la fois offensivement et défensivement.
1B : Le discret mais ô combien efficace Christian Walker. Clairement l’un des sluggers les plus underrated du circuit.
2B : Ketel Marte espère confirmer la plus belle saison de sa carrière. 25HR, 94 runs, 82 RBI et une fWAR de 4.2 en régulière, avant d’enchaîner sur des playoffs de fou avec un OPS de .914 OPS, 11 RBI en 17 matchs.
SS : Geraldo Perdomo. Batteur moyen moins mais défenseur et coureur moyen plus, il peut encore progresser car il n’a que 24 ans. Il n’aura d’ailleurs pas le choix que de progresser pour ne pas se faire chiper le poste par le top prospect Jordan Lawlar. En difficulté pendant sa courte pige de 14 matchs MLB, il a par contre ultra-performé en Minors : .358/.438/.612 en 16 matchs de Triple A ; 15HR et 33SB en 89 matchs de Double A.
3B : Le nouveau venu Suárez apportera son expérience et sa puissance.

OF : Gurriel à gauche on l’a dit, Thomas ou Grichuk au centre et à droite la déjà superstar du Désert, Corbin Carroll (voir plus bas).
DH : Pederson, Fletcher, Rivera…
Pour la rotation : Pfaadt (voir plus loin) et Nelson devraient prendre les rôles de #4 et #5 derrière le trio Gallen-Kelly-Rodriguez. A moins que le jeune Cecconi n’envoie Nelson dans le bullpen.
Justement ce bullpen devrait ressembler à celui de 2023 qui a connu une belle réussite sur la 2e moitié de saison et les playoffs. Avec Kevin Ginkel en setup man de Paul Sewald. Ryan Thompson, Andrew Saalfrank, Miguel Castro, Joe Mantiply et Scott McGough devraient compléter tout ça.
Le joueur à suivre : Brandon Pfaadt
La signature de E-Rod cet hiver est une bonne pioche pour avoir un starter #3 confirmé, et cela permettra de faire reculer dans la rotation le jeune Pfaadt, et du même coup lui retirer un peu de pression. Pfaadt c’est une saison 2023 assez incroyable, un vrai rollercoaster qui l’aura mené des monticules de Triple A à ceux des World Series! Sur la lancée d’une très belle année 2022 en Triple A (ERA 2.63, 74K en 61.2IP), il pouvait légitimement prétendre à une place dans la rotation. Mais le coaching staff a préféré titulariser Bumgarner (avec le succès que l’on connaît!) et Davies. Appelé finalement dès le mois de mai après le départ de MadBum, il a été en grosse galère avec une ERA de 8.37 sur ses 5 premiers starts. Retour en Minors. Nouvelle chance en juin, nouvelle chance ratée. Il faudrait attendre fin juillet pour que Pfaadt prenne la mesure de la grande ligue. Une ERA convenable pour un débutant de 4.22 sur ses 13 derniers starts de régulière qui lui offre une place dans le roster de postseason.
Sa balle rapide entre 92 et 96mph et son excellente slider tout en contrôle vont faire des merveilles et offrir un boost totalement inattendue à cette rotation que l’on imaginait en galère vu le manque de profondeur derrière Gallen-Kelly. Lovullo lui donne la balle à cinq reprises pour commencer un match de playoffs (notamment l’importantissime Game 7 des NLCS!), les DBacks en remporteront quatre. Une ERA de 3.27 (FIP 3.35) avec 26K en 22IP! Sacré perf pour notre rookie. On retient notamment son Game 3 face aux Phillies en NLCS : 5.2IP, 2H, 9K, 0BB, 0ER ou son Game 3 des NLDS contre l’armada des Dodgers : 4.1IP, 2H, 0ER, 0BB. Si Pfaadt peut s’appuyer sur ses sorties d’octobre pour aborder 2024, alors on ne parlera plus de manque de profondeur dans la rotation des DBacks, mais au contraire d’une vraie force.
La star : Corbin Carroll
Prospect n°2 pour MLB Pipeline à l’entame de la saison, Corbin Carroll n’a pas déçu pour ses débuts en MLB, bien au contraire. A 23 ans et malgré un physique qui n’est pas des plus impressionnants, il a aligné des stats comme rarement (jamais?) vues pour un débutant : .285/.362/.506/.868, 25HR, 54SB, 65 extra-base hits, 116 runs. Premier joueur de l’histoire (pas seulement rookie) à signer 25+ HR, 50+ SB, 25+ doubles, 10+ triples. Ça c’était pour la régulière.
Pas aveuglé par les spotlights des playoffs, notre jeune outfielder a continué son show. En 5 matchs de NLWCS + NLDS, sa fiche était de .412/.565/.824/1.389. avec 2HR, 4RBI, 7H, 6R, 2SB, 6BB et seulement 3K. Ses NLCS ont été un peu plus « compliquées » jusqu’au Game 7 – quand les stars se révèlent (ou pas) – avec 3 hits, 2 runs, 2RBI, 2 bases volées. Sur les cinq matchs de World Series, il s’est retrouvé sept fois sur bases, avec 5H et 4RBI, mais au final des moyenne et OPS un peu décevantes : .227 et .610. Pas de quoi remettre en cause cet exceptionnelle saison 2023 pour autant.
S’il a décroché en 2023 le trophée de Rookie de l’année en National League sans aucune contestation possible, il peut même déjà voir plus haut pour cette année (il était déjà 5e du vote MVP en 2023). Pourquoi pas dépasser les 30HR et 60SB, ce qui le placerait directement dans les spikes d’un Ronald Acuna Jr.
Le prono
Les DBacks sont une équipe jeune, équilibrée par la présence des vétérans, excitante mais aux talents purs peut-être un peu limité. Mais elle semble vraiment bien construite pour être un redoutable poil à gratter dans cette NL West où les Dodgers sont méga favoris, mais les Padres ne se sont pas renforcés et ont même perdu du monde (Soto, Hader…), quand les Giants ont eux fait quelques moves intéressants (Soler, Lee, Chapman). Il y aura une belle lutte pour accrocher une Wild Card. Une fois en postseason, tout est possible on l’a vu avec la version 2023 de cette équipe!
Pronostic : 90 victoires et 72 défaites, 2e en NL West.
Le pari fou
Le trio Gallen-Kelly-Rodriguez fait des merveilles dans le Désert, Carroll confirme son immense talent, Jordan Lawlar lance avec brio sa carrière MLB… et les DBacks nous refont le coup en se hissant en World Series après un parcours de cadors en postseason. Face à eux : les New York Yankees pour un remake de la Finale de 2021!

