Preview 2024 – Cincinnati Reds : Une nouvelle histoire à écrire

Il y a un an à cette même période, le monde du baseball était en pleine effervescence avec la perspective de la World Baseball Classic et le début de la saison MLB. Et on peut dire que l’année 2023 nous a régalés entre le titre du Japon d’Ohtani face à Team USA, le retour des London Series et la première victoire en World Series des Texas Rangers. Nous avons eu droit à notre lot d’émotions, de beau jeu, de surprises, de déceptions, de rencontres, d’au-revoir (bye-bye Waino et Miggy)… et nous voilà déjà au départ de la saison 2024! Même sans compétition internationale à venir (il faudra attendre 2028 pour revoir le baseball/softball au programme des JO), on a hâte d’entendre PLAYBALL. Et pour tout savoir de cette saison MLB qui approche aussi vite qu’une balle lancée par Nolan Ryan, la rédac de The Strike Out vous propose sa traditionnelle série de previews. Place aujourd’hui à une équipe en pleine ascension : les Cincinnati Reds.

Beaucoup de jeunesse, beaucoup de promesses, quelques trous dans le roster et, au final, une saison 2023 qui ne restera pas dans les annales pour les Cincinnati Reds. Mais il s’en est fallu de peu de choses tant les Reds étaient proches, avec l’aide il faut le rappeler d’une NL Central au niveau plus que médiocre, de faire leur retour en postseason via la Wild Card. Avec un bilan de 82-80 (Ndlr : Les DBacks et les Marlins ont atteint la Wild Card avec 84 victoires), deux victoires leur ont donc manqué alors que les Reds menaient encore leur division au 1er août avant de marquer le pas. Une question d’adversaires, d’expérience, et surtout de pitching.

Car si, et on va y venir, la jeunesse a fait le boulot dans le lineup, le pitching des Reds a été en grande souffrance, la faute notamment à une rotation pas vraiment bâtie pour les Big Leagues, a fortiori dans un Great American Ballpark très favorable aux lanceurs. Il faut dire qu’en deux ans, la Red Machine a perdu notamment Sonny Gray, Luis Castillo et Wade Miley sans vraiment compenser leur apport ni leur expérience.  En 2023, ce sont Graham Ashcraft (4.76 ERA, 145.2 IP), Brandon Williamson (4.46 ERA, 117 IP), Hunter Greene (4.82 ERA, 112 IP, 152 SO) et Andrew Abbott (3.87 ERA, 109.1 IP), 97 ans à eux quatre, qui ont mené la charge, tandis que le cinquième spot de la rotation a été couvert principalement, et sans grand succès, par Luke Weaver (6.87 ERA, 97 IP) et Ben Lively (5.38 ERA, 88.2 IP) en l’absence de Nick Lodolo, blessé dès le mois de juin. Si le quatuor principal de starters n’a pas été foncièrement mauvais, il n’a pas été spécialement bon non plus, et en l’absence d’options fiables pour prendre le relais, les Starters des Reds terminent la saison avec un ERA collectif de 5.43, le 28e des Ligues Majeures.


Un bilan beaucoup plus satisfaisant du côté du bullpen, avec notamment la confirmation d’Alexis Diaz, intronisé au poste de Closer. Avec un ERA de 3.07 (145 ERA+), 86 Strike Outs en 67.1 IP mais surtout 37 saves réussis sur 40 tentés, le petit frère d’Edwin (Mets) a fait retentir les trompettes dans l’Ohio et confirmé sa saison de rookie 2022 avec, notamment, une première convocation au All Star Game. Mention également pour Ian Gibaut (3.33 ERA en 75.2 IP) et Lucas Sims (3.10 ERA en 61 IP) qui ont su bien le seconder pour mener un bullpen qui se classe finalement premier de MLB en termes de Saves (53), sixième de MLB et deuxième de NL au nombres de manches lancées (652.1) mais seulement seizième à l’ERA (4.11). Malgré cette dernière statistique, ce bullpen solide a permis aux Reds de compenser, en partie au moins, les manques de la rotation.

Cote lineup, on a vu des promesses, beaucoup de promesses et notamment celles d’un nouveau petit prodige. Alors attention, Elly De La Cruz n’est pas un produit fini, loin de là, et le jeune dominicain a réalisé une saison somme toute banale pour un rookie, si l’on se fie uniquement à l’aspect statistique. Un batting average de .235, 144 Strike Outs pour 35 Walks en une centaine de matchs (oui ça pique), 13 HR mais surtout avec 35 buts volés entre son arrivée dans le show début juin, De La Cruz a marqué les esprits comme l’exemple parfait du joueur frisson (on en reparle plus loin). Mais, et c’est là que cela devient intéressant, De La Cruz n’est qu’une pièce d’un lineup qui a fini la saison en étant presque entièrement composé de joueurs sortis du Farm System : si Tyler Stephenson, au catch, a fait une saison correcte mais oubliable, les jeunes pousses des Reds ont réussi la performance de placer trois des leurs dans le Top 10 du Rookie of the Year de National League : les infielders Matt McLain, Spencer Steer et Elly de La Cruz sont respectivement 5e, 6e et 7e.

McClain, en particulier, s’est imposé naturellement dans l’infield des Reds, tant au poste de Shortstop qu’à celui de second baseman selon les besoins de l’équipe, et signant la meilleure moyenne (.290) et le meilleur OPS (.864) de l’effectif avec au passage 16 HR et 14 buts volés en ayant joué à peine plus de la moitié de la saison (89 matchs) avant de devoir renoncer en raison d’une blessure musculaire. On notera également les bonnes saisons de TJ Friedl (48 XBH et 27 SB) et Will Benson (34 XBH et 19 SB dans l’outfield) pour oublier celles plutôt moyennes de Jonathan India, le Rookie of the Year 2021, gêné notamment par une blessure récurrente au pied, et Nick Senzel, le deuxième pick de la draft 2016 qui tarde décidément à montrer toutes ses qualités au niveau Majeur.

2023 ce fut aussi la dernière saison sous la tunique rouge de la légende Joey Votto, avec une tournée d’adieu bien tristounette pour ses adieux, entre blessures et performances moyennes. 14 HR, une moyenne de .202 et un OPS+ de 99 mais des souvenirs pleins les travées du Great American Ball Park pour le MVP 2010 qui tire sa révérence au terme de 17 années extraordinaires dans l’Ohio. Il espère désormais écrire le dernier chapitre de sa carrière dans sa ville natale, Toronto, avec les Blue Jays qui lui ont offert un contrat de Ligues Mineures durant le Spring Training.

Vous l’aurez compris, les Reds ont fait la place belle aux jeunes qu’ils ont passé tant d’années à assembler que ce soit par la draft ou par les trades. Pour faire simple, sur l’ensemble du lineup attendu pour débuter la saison à venir, seuls deux joueurs n’ont pas fait leurs débuts en MLB avec Cincinnati : l’outfielder Will Benson (qui avait encore son status de Rookie en arrivant dans l’Ohio) et le vétéran Jaimer Candelario, arrivé cet hiver en tant que free-agent et qui occupera le troisième but.
Pour le reste, Tyler Stephenson garde la confiance de David Bell au poste de receveur tandis que la première base et le poste de Designated Hitter se joueront entre Jonathan India et Christian Encarnacion-Strand (avantage au second pour être le 1B titulaire). Pour compléter le champ intérieur, McLain et De La Cruz formeront la paire 2B-SS.
Dans l’outfield, on retrouvera le trio Friedl/Steer/Benson, redoutable par son contact et sa vitesse. Les Reds ont également invité un autre vétéran, Tony Kemp, pour le spring training. Si aucune place ne lui est aujourd’hui garantie dans le roster des Reds, la suspension pour 80 matchs du Top Prospect Noelvi Marte (suspendu pour un contrôle positif aux stéroïdes) pourrait lui ouvrir la porte pour un retour dans les Big Leagues, dans un rôle d’utility player.  

Nul doute que si la présence sur bases est au rendez-vous (.327 en 2023, 9e de MLB), les Reds feront encore une fois dans le spectaculaire cette saison tant la vitesse de ce roster est effrayante. Reste pour ce groupe très jeune à murir, à gagner en patience et ne pas se faire éliminer sur prises aussi facilement que l’an dernier (1500 Strikeouts, seuls les Rockies ont fait pire) pour maximiser cette présence sur bases et en faire un atout majeur dans la course pour la NL Central ou la Wild Card.

Jeimer Candelario a signé un contrat de 3 ans et 45 millions de dollars avec les Reds – Photo DR

Confiance à la jeunesse avec une injection d’expérience donc, et c’est la même approche qui prévaut dans le pitching puisque les protagonistes de l’an dernier seront pour la plupart de retour : Hunter Greene, Graham Ashcroft et Andrew Abbott tenteront de capitaliser sur une année 2023 correcte pour réaliser une année 2024 mémorable. Greene, en particulier, qui fut choisi par les Reds en deuxième position de la draft 2017, a ajouté une balle courbe et un splitter à son arsenal, mais les fans de Cincinnati espèrent surtout le voir enfin avoir un contrôle intégral sur sa fastball surnaturelle, mesurée en 2023 à 105mph mais trop souvent placée hors de la zone. Si Brandon Williamson, le quatrième larron de la rotation 2023, semble pour le moment se retrouver hors des plans pour le début de saison 2024, c’est parce que les Reds ont recruté deux vétérans pour renforcer la rotation : Frankie Montas d’abord, qui suit le parcours Sonny Gray (Athletics, Yankees, Reds) et tentera de se relancer comme son ex-coéquipier après un passage cauchemardesque dans le Bronx, conclu par une blessure qui lui a couté l’année 2023. Nick Martinez ensuite, qui sort d’une année très positive avec les Padres (110.1 IP, 3.43 ERA, 106 SO), mais n’a pas vécu une saison entière dans la peau d’un lanceur partant depuis son séjour de quatre années dans le championnat japonais. Reste l’énigme Nick Lodolo, qui semble sur le point de faire son retour sur le monticule avant la fin de ce spring training. Un autre premier tour de draft dont on attend de voir tout le potentiel après une année de rookie très positive (6e au ROY) en 2022. Est-ce que 2024 sera l’année de la révélation pour lui ?

Dans le bullpen, Alexis Diaz est désormais le point d’ancrage incontestable de la relève et, alors que Ian Gibault, Lucas Sims et Fernando Cruz sont attendus pour continuer à le soutenir dans les fins de matchs mais, là aussi, le front office des Reds a décidé d’apporter un peu d’expérience pour encadrer tout ce petit monde en recrutant Emilio Pagan et Brent Suter. Suter est un solide mangeur d’inning, fort d’une expérience de huit années dans les Major Leagues entre Milwaukee et Denver. Un profil similaire à celui de Pagan, qui mâche tranquillement une soixantaine de matchs par an avec un profil plus proche de celui d’un setup-man et closer occasionnel.

Là encore, un effectif jeune, consolidé avec de l’expérience mais cela suffira-t-il quand la NL Central semble se renforcer entre des Cubs enfin ambitieux, des Pirates eux aussi prêts a monter en régime, des Brewers toujours champions de la Division et des Cardinals que l’on n’imagine pas enchaîner une deuxième saison aussi mièvre que 2023. Pour la première fois depuis bien longtemps, la NL Central pourrait être véritablement intéressante, et les Reds ont un rôle à y jouer.

J’en parlais plus haut, Frankie Montas est venu cet hiver renforcer la rotation des Reds. Il apporte avec lui une bonne dose d’expérience et pas mal d’incertitudes. Passé par le farm system des Red Sox avant de faire ses débuts dans les Big Leagues avec les White Sox, c’est chez les Athletics qu’il a véritablement lancé sa carrière, intégrant progressivement la rotation des A’s pour culminer avec une saison 2021 qui lui vaudra une sixième place au classement du Cy Young Award (187 IP. 3.37 ERA, 207 SO), et c’est là que tout se complique… Alors qu’il semble parti pour une saison du même acabit en 2022, il est échangé à la Trade Deadline aux New York Yankees. Sur 39.2 manches lancées et en comparaison avec le début de saison (104.2 IP), son ERA est de 6.35 au lieu de 3.18, son WHIP atteint 1.5 au lieu de 1.1, son taux de strike outs descend en flammes et croise son taux de walks dans l’ascenseur.

Un cauchemar qui ne fait que débuter, puis qu’en janvier 2023 Montas est diagnostiqué avec une inflammation à l’épaule. Il devra ensuite passer sur le billard, manquant toute la saison 2023… ou presque, une entrée en relève face aux Royals, le 30 septembre 2023, sera sa dernière sortie sous le maillot des Yankees. La question maintenant est de savoir comment Montas, passé comme beaucoup à la moulinette physique et mentale d’un séjour chez les Bronx Bombers, va se relever. On se souvient de l’exemple Sonny Gray, revenu a un niveau de Cy Young une fois loin du Yankee Stadium.

Nul doute que si le Frankie Montas d’Oakland pouvait retrouver tout son stuff une fois arrivé au Great American Ball Park, les chances de postseason des Reds se multiplieraient de manière exponentielle. David Bell semble prêt à parier sur son nouveau protégé, quoi qu’il arrive, puisque c’est lui qui lancera le premier pitch des Reds lors l’Opening Day.

Je l’évoquais plus haut, Elly De La Cruz a encore tout à prouver au niveau Majeur après une première saison toute aussi ébouriffante qu’incomplète. Et pourtant, il est déjà vu comme la superstar du roster des Reds, tant la nouvelle coqueluche a apporté un souffle de vie et un frisson que les supporters de Cincinnati attendaient depuis si longtemps. Par sa vitesse tout d’abord, et un instinct qui lui a permis de voler 35 bases en 2023, avec comme moment culminant un triple vol de bases (2e, 3e, Home) en l’espace de deux pitchs le 9 juillet, du jamais vu depuis  Rod Carew en 1969.

Incroyablement rapide, il n’en est pas pour autant moins puissant, et ses 13 Home Runs en 98 matchs incluent un autre exploit de dimension historique puisqu’il est aussi devenu le troisième joueur depuis 1901 à réaliser un Cycle (Single, Double, Triple, Home Run) lors de ses 15 premiers matchs en carrière et le plus jeune joueur à frapper un cycle depuis Cesar Cedeno en 1972.

Certes, la première saison d’Elly De La Cruz a pu ressembler à un feu de paille et ses chiffres de moyenne, notamment, se sont drastiquement réduits au fil de l’été alors qu’il enchainait les retraits sur prises (.235 avec 35 BB pour 144 SO au final, voilà un axe de progression bien défini). Le Shortstop dominicain a peut-être senti le vent de sa nouvelle réputation, les lanceurs et défenseurs adverses s’adaptant aussi à son jeu impétueux et flamboyant, mais les qualités sont là, tout comme un bras tout aussi puissant que précis, malgré certaines limites visibles en défense dans l’infield. Mais nul doute qu’avec sa puissance et sa vitesse, l’outfield lui sera grand ouvert s’il ne s’impose pas défensivement au poste de shortstop cette saison.

En attendant, il est là ce joueur pour lequel les supporters des Reds sont prêts à s’enflammer. Un nouveau héros, un autre style. Alors que se termine l’ère magnifique, esthétique et calculée de Joey Votto, entrons de plein pied dans le monde chaotique et survolté d’Elly De La Cruz !

Si Montas brille, si la jeune rotation trouve son rythme, si le lineup progresse dans la gestion des matchs et arrive à tenir le coup en deuxième partie de saison, si Alexis Diaz et ses copains du bullpen continuent de dominer les fins de matchs… Beaucoup de si, presque autant qu’il y a de premiers tours de draft (vous les avez comptés ?) dans cette équipe construite sur dix ans de souffrance… Un dernier si, et pas des moindres : si les Reds, qui ont tout le temps du monde avec encore une palanquée de jeunes joueurs de grand talent sous contrôle pour plusieurs années, ne décident pas de tanker une fois de plus, des fois qu’il leur manquerait un ou deux top prospects. Beaucoup de si, disais-je, mais ces Reds ressemblent pour la première fois depuis longtemps, très longtemps a des poils a gratter potentiels pour la National League Central, et peut-être, sait-on jamais, un package surprise comme les Diamondbacks. Spectaculaires, rapides, intrépides, donnez-leur un gout d’Octobre et laissez la folie s’installer.

Mon pronostic : 2e de NL Central, 86-76, Wild Card

Hunter Greene voit la lumière et trouve le plein contrôle de sa balle rapide, quitte à perdre quelques mph (seulement 102…), son slider fait des ravages et sa nouvelle balle courbe se révèle comme l’une des meilleures idées depuis l’invention de la Knuckleball. La vélocité est là, le placement aussi, les batteurs sont bouche bée et il nous sort une saison à la Jacob deGrom 2018.


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