Il y a un an à cette même période, le monde du baseball était en pleine effervescence avec la perspective de la World Baseball Classic et le début de la saison MLB. Et on peut dire que l’année 2023 nous a régalés entre le titre du Japon d’Ohtani face à Team USA, le retour des London Series et la première victoire en World Series des Texas Rangers. Nous avons eu droit à notre lot d’émotions, de beau jeu, de surprises, de déceptions, de rencontres, d’au-revoir (bye-bye Waino et Miggy)… et nous voilà déjà au départ de la saison 2024! Même sans compétition internationale à venir (il faudra attendre 2028 pour revoir le baseball/softball au programme des JO), on a hâte d’entendre PLAYBALL. Et pour tout savoir de cette saison MLB qui approche aussi vite qu’une balle lancée par Nolan Ryan, la rédac de The Strike Out vous propose sa traditionnelle série de previews. Rendez-vous aujourd’hui du côté de San Diego, où les ambitions semblent désormais avoir été mises au placard.

Retour sur 2023
Des investissements colossaux pour une équipe capable de rivaliser avec les Dodgers en NL West, et de se place comme un contender pour les World Series. C’était le plan, en tous cas, mis en place par les Padres depuis 2020 et les premiers pas dans le Show de la future superstar, Fernando Tatis Jr.
Lui et Manny Machado devaient être le cœur d’un projet de domination totale, rejoints plus tard par Juan Soto puis Xander Bogaerts. La rotation, menée par Blake Snell, Yu Darvish et Joe Musgrove, était elle aussi parfaitement crédible tandis que le bullpen était mené par le détestable mains néanmoins redoutable Josh Hader, Alors certes, il y avait quelques trous dans le roster, et un sentiment que les stars recrutées à prix d’or ne masquaient pas forcément un manque de profondeur dans l’effectif, la faute notamment à une frénésie de gros trades qui ont vidé l’un des farm systems les plus prometteurs des Majors.
Nous voila donc en Avril 2023, et les San Diego Padres débutent la saison avec le troisième plus gros payroll de MLB, derrière les deux franchises de New York, et ce sentiment que c’est la saison ou jamais tant ce niveau de dépenses semble impossible sur le long terme pour un « petit » marché.
Et, malgré quelques performances individuelles de très haut niveau, la mayonnaise n’a jamais pris pour les hommes de Bob Melvin qui n’ont pas réussi à bâtir sur les 89 victoires acquises en 2022. 82 victoires pour 80 défaites, une troisième place de NL West loin, bien loin des Dodgers et pas de voyage en postseason, les 84 victoires des Diamondbacks et des Marlins leur damant le pion.
Les 35 Home Runs et 109 RBI de Juan Soto, All Star pour la troisième fois et sixième au classement du MVP de National League, n’y auront rien fait. Les 30 HR et 91 RBI de Manny Machado ou les 25 HR et 29 buts volés de Fernando Tatis Jr non plus. Car, et même si les stars (on y ajoutera Bogaerts et Kim) ont assuré le coup, sans forcement briller hormis Soto, c’est – on l’a déjà dit – dans la profondeur que le bât blesse : les Padres n’ont jamais pu trouver une alternative à Trent Grisham, aussi catastrophique au bâton (.198 AVG et 0.666 OPS pour le double Gold Glover) qu’il est rassurant en défense, Jake Cronenworth a vécu la première mauvaise saison de sa carrière (.229, pour 10 HR et 48 RBI) et beaucoup trop de passages au bâton ont été offerts à des causes désespérées, avec tout le respect dû à Matt Carpenter, Rougned Odor ou encore Austin Nola. La bonne surprise de cette saison, côté lineup, c’est finalement Gary Sanchez, pour qui l’on avait abandonné tout espoir et qui a fait une saison solide, dans son style (.208 avec 19 HR en 72 matchs après son arrivée des Mets, à la fin du mois de mai).
Trop de médiocrité, des leaders qui ne font pas dans le dépassement de fonction, et au final un lineup parfaitement moyen, qui traine sa misère sans faire de bruit entre la 10e et la 20e place dans toutes les catégories offensives.

Et, malheureusement pour les Padres, malgré la saison exceptionnelle de Blake Snell, vainqueur de son deuxième Cy Young Award (2.25 ERA et 234 strikeouts en 180 manches lancées), et une rotation (Lugo, Darvish, Wacha, Musgrove, Weathers) au diapason, terminant la saison avec le meilleur ERA des Ligues Majeures (3.69), malgré un Josh Hader retrouvé (33 Saves et un ERA de 1.28, 1.101 WHIP), le pitching staff des Padres n’a pas su compenser les manques offensifs de son équipe. Mais deux stats soulignent encore une fois le souci majeur et récurrent de cette équipe en termes de gestion des moments importants et de profondeur de banc : en 2023, les Padres ont joué 23 matchs décidés par un seul point et n’en ont gagné que 9 mais. Surtout, ils n’ont converti que 56% de leurs opportunités de Save (25e sur 30) avec 36 sauvetages réussis dont 33 pour le seul Josh Hader.
Le manque de profondeur, toujours… Au final, les Padres terminent avec un bilan de 82 victoires quand leur bilan « théorique » (Pythagorean Expectation) était de 92-70. Les Padres n’ont pas été foncièrement mauvais, ils n’ont juste pas été bons aux bons moments. Et ainsi se termine la grande offensive des San Diego Padres sur les World Series. Le rêve du propriétaire Peter Seidler, décédé au mois de novembre, ne se sera pas réalisé.
Qu’attendre de 2024?
Finie la folie dépensière, 2024 est l’année du retour sur terre pour les Padres qui ont perdu leurs trois superstars cet hiver puisque Juan Soto (échangé aux Yankees contre cinq joueurs dont le lanceur Michael King), Josh Hader (Free Agent, il a signé pour les Astros) et Blake Snell (Toujours Free Agent au moment de la rédaction de cet article) ont tous quitté le navire, tout comme les lanceurs partants Seth Lugo et Michael Wacha (tous les deux chez les Royals), les receveurs Austin Nola (Royals) et Gary Sanchez (Brewers), ou Trent Grisham (Yankees) entre autres… Du changement aussi dans le vestiaire puisque l’ancien Manager des Cardinals, Mike Shildt, est venu remplacer Bob Melvin, remercié au terme de la saison 2023.
Pour les remplacer tout en réduisant la masse salariale (aujourd’hui retombée à $145M, juste en-dessous de la moyenne de la Ligue), les Padres misent sur la jeunesse. Tandis que le haut de l’ordre de batte reste familier avec Tatis, Bogaerts, Cronenworth, Machado (qui a subi une opération au coude en octobre) et Kim, accompagnés par le vétéran Jurickson Profar, trois joueurs issus du farm system pourraient se retrouver titulaires en 2024: le receveur Luis Campusano tout d’abord, auteur d’une cinquantaine de matchs très satisfaisants l’an dernier (.318 AVG, 134 OPS+) tandis que trois purs rookies semblent en compétition pour les deux derniers postes disponibles : Graham Pauley, Jakob Marsee et Jackson Merrill, le prospect numéro 2 des Padres et douzième des Ligues Majeures. Ils arriveraient avec une place à prendre mais sans trop de pression : ils ne pourront pas faire bien pire – offensivement au moins – que leurs prédécesseurs aux postes de CF et DH.

Mais vous l’aurez compris, les Padres n’ont pas véritablement remplacé la superstar de leur lineup, et devront espérer une grosse année d’au moins un de leurs tauliers pour, a minima, assurer un niveau offensif similaire à celui de l’an dernier. Une situation pas forcement idéale mais pas non plus catastrophique sur le papier. Elle est, convenons-en, beaucoup plus inquiétante du côté des lanceurs, où les Padres ont donc perdu trois starters et leur closer, auteurs à eux quatre de 517 manches lancées, 583 Strike Outs et un ERA de 2.77. Difficile héritage.
Pour les remplacer, les Padres s’appuieront sur les toujours fiables Joe Musgrove et Yu Darvish plus deux lanceurs arrivés des Yankees lors du trade de Juan Soto : Michael King, d’abord, auteur d’une bonne saison 2023 (104.2 IP, 127 SO, 2.75 ERA) dans un poste de releveur principalement, avant de s’installer dans un spot de starter sur le dernier mois. Jhony Brito ensuite, qui a connu un début de saison rookie difficile dans le Bronx dans un poste de lanceur partant, avant d’enchainer les belles performances dans le bullpen. Tous deux devront s’affirmer, et montrer qu’ils sont capables d’être performant tous les 5 jours au niveau majeur. Un gros pari, d’autant plus que le cinquième poste de la rotation semble devoir revenir à un autre rookie, Matt Waldron, qui a lui aussi fait ses débuts en 2023, sans spécialement décevoir, ni impressionner (4.35 ERA, 41,1 IP).
UPDATE 14/03 : Juste avant de monter dans l’avion, direction la Corée-du-Sud pour disputer les Seoul Series, les Padres ont conclu un gros trade. Ils récupèrent le starter des White Sox, Dylan Cease, en échange de 4 prospects : les lanceurs Drew Thorpe (#4 dans le Farm system et #64 pour MLB Pipeline, arrivé des Yankees dans le trade de Soto), Jaimo Iriarte (#7) et Steven Wilson, plus l’outfielder Samuel Zavala (#12). Cease est sous contrôle jusqu’en 2025 et ne touchera « que » 8 millions de dollars cette saison, ça semble une bonne affaire sur le papier. 2e du vote AL Cy Young en 2022, le lanceur de 28 ans affiche une ERA en carrière de 3.83 après une saison 2023 compliquée à Chicago (ERA 4.58, mais 214K en 177IP). On ne sait pas encore quand il retrouvera ses nouveaux coéquipiers qui, on l’a dit, sont partis pour Séoul. Musgrove et Darvish seront les lanceurs partants des deux rencontres. Dans cette rotation, Cease apporte une 3e garantie. King et Brito devraient récupérer les spots 4 et 5. Intéressant move du FO des Padres alors qu’on le voyait sage en cette intersaison, les ambitions semblent finalement toujours élevées.
Que de questions, et plus encore quand il s’agit du bullpen puisque outre Hader, les Padres ont vu partir deux autres éléments clés de leur enclos, en la personne de Nick Martinez, et ses 110.1 manches lancées en 2023 (3.43 ERA, 106 SO) et Luis Garcia (59.2 IP, 4.07 ERA). Parmi ceux qui restent, Robert Suarez semble devoir hériter du rôle de closer en 2024, lui qui n’a lancé que 27 petites manches l’an dernier sans compléter de Save (0/3), tandis que Steven Wilson et Tom Cosgrove devraient continuer à enchainer les innings. Pour les accompagner, les Padres ont recruté agressivement, une fois n’est pas coutume. Là encore, les dépenses sont modérées et les garanties bien rares, mais le profil des joueurs embauchés est intéressant avec notamment les deux recrues internationales Yuki Matsui (39 SV, 1.57 ERA en NPB l’an dernier) et Woo-Suk Go (15SV en KBO l’an dernier mais 42, avec un ERA de 1.48 en 2022). Ajoutez à cela les arrivées d’Enyel de Los Santos (Guardians), de Wandy Peralta (Yankees) et le retour de l’ex top-prospect des Padres, Luis Patino (White Sox), le bullpen des Padres a le mérite d’être intéressant .
Du bon et du moins bon donc, et les Padres ont encore une chance d’être compétitifs en 2024, mais la densité de la concurrence en NL West, entre les monstrueux Dodgers, les Diamondbacks qui voudront capitaliser sur leur récente participation aux World Series, et des Giants toujours ambitieux risque de rendre la chose bien ardue pour les Padres. Et, en l’état, difficile de voir cette rotation en particulier briller en Major League.
Le joueur à suivre : Jackson Merrill
Drafté en 27e position de la draft 2021, Jackson Merrill pourrait bien faire ses débuts en MLB dès le mois d’avril, à 20 ans et sans même passer par la case Triple-A. Arrêt court capable de jouer dans l’outfield, Merrill est un frappeur de contact avec une moyenne au bâton de .295 en 200 matchs de Ligues Majeures.
Gaucher costaud avec une puissance à explorer, il a également tous les signes d’un défenseur hors pair, et sa polyvalence sera un atout non-négligeable pour se faire une place dans un roster bien fourni au poste d’arrêt-court. S’il ne fera pas oublier Soto, ou au moins pas tout de suite, le gamin de Baltimore sera très observé pour son apparition dans le roster majeur des Padres, car il pourrait bien être l’un des visages qui incarneront l’avenir à court, moyen et long terme de la franchise.
La star : Fernando Tatis Jr.
Spectaculaire, immature, agaçant, idolâtré. En seulement cinq saisons dans le show, Fernando Tatis Jr. a su s’imposer comme le visage des San Diego Padres, qui lui ont rapidement offert un contrat de 14 ans et 340 millions de dollars… avant de s’égarer complètement entre performances moyennes et blessures, un accident de moto-cross pendant la saison morte, et un contrôle antidopage positif pour l’utilisation d’une crème stéroïdienne.
Revenu en 2023 avec une nouvelle attitude beaucoup moins exubérante, le frappeur dominicain en a profité pour retrouver un niveau bien plus conforme aux attentes placées en lui, avant de s’effondrer offensivement en fin de saison. Parfaitement adapté à sa nouvelle position dans le champ droit, il a aussi trouvé une assurance défensive qu’on ne lui connaissait pas, et embarquant au passage son premier Gold Glove (ET le Platinum Glove de National League!) avec pas moins de 29 Runs Défensifs Sauvés (DRS), 20 de plus que le second Right Fielder des Ligues Majeures, rien que ça.
5.5 WAR, 25 Home Runs et 29 buts volés, un Gold et Platinum Glove et une 14e place au classement du MVP… Fernando Tatis Jr. est de retour et, si les fans des Padres ont pu être agacés par l’immaturité et les erreurs de jeunesse de leur désormais Outfielder en chef, ils sont prêts à tout lui pardonner, alors que se profile une saison compliquée pour l’équipe, où lui pourrait bien se réimposer, définitivement, comme un leader et une véritable superstar.
Le prono
Il y a trop de manques, notamment au niveau de la rotation, pour véritablement rivaliser avec la superpuissance des Dodgers et les ambitions des Diamondbacks. Pour les Padres, la fenêtre se ferme doucement, mais il reste du talent. Suffisamment pour aller chercher une wild-card et se donner la chance d’une expérience en postseason ? Je classerai cela comme un scenario plausible, à défaut d’y croire personnellement.
Mon pronostic : troisième de NL Central, 79-83
Le pari fou
Fernando Tatis Jr. fait une saison « Acuña Jr. » et entre à son tour dans le 40/40 club.

Une réflexion sur “Preview 2024 – San Diego Padres : Retour sur Terre”