Il y a un an à cette même période, le monde du baseball était en pleine effervescence avec la perspective de la World Baseball Classic et le début de la saison MLB. Et on peut dire que l’année 2023 nous a régalés entre le titre du Japon d’Ohtani face à Team USA, le retour des London Series et la première victoire en World Series des Texas Rangers. Nous avons eu droit à notre lot d’émotions, de beau jeu, de surprises, de déceptions, de rencontres, d’au-revoir (bye-bye Waino et Miggy)… et nous voilà déjà au départ de la saison 2024! Même sans compétition internationale à venir (il faudra attendre 2028 pour revoir le baseball/softball au programme des JO), on a hâte d’entendre PLAYBALL. Et pour tout savoir de cette saison MLB qui approche aussi vite qu’une balle lancée par Nolan Ryan, la rédac de The Strike Out vous propose sa traditionnelle série de previews. Aujourd’hui on fait le point sur l’une des franchises les plus frustrantes des Ligues Majeures : les Colorado Rockies.

Retour sur 2023
87 défaites en 2021, 94 en 2022, et des attentes mitigées avant même le début de la saison 2023… Et pourtant, les Colorado Rockies ont réussi à faire bien pire que tout ce que l’on attendait d’eux : 103 défaites. Le pire bilan de l’histoire de la franchise mais surtout ce sentiment continu, année après année, que le front office des Rockies n’a pas vraiment de stratégie claire pour mener sa reconstruction, malgré un flot régulier de bons prospects vers l’équipe de Major League.
Prives dès le début de la saison de leur ex-future superstar Brendan Rodgers, les Rockies se présentaient à l’Opening day avec un roster composé principalement de quasi-débutants et de vétérans à la recherche d’un nouveau (dernier?) souffle. L’équilibre était fragile, le roster plein de points d’interrogations, le verdict fut sans appel.
Évacuons tout de suite la question du pitching : rien n’a fonctionné. Les Colorado Rockies ont clôturé la saison avec le pire ERA collectif des Majors (5.67), dans une Ligue ou les Athletics existent, en réussissant à prendre la dernière place pour les starters comme pour les releveurs. Ils ont aussi la pire moyenne au bâton adverse, le plus de hits concédés, et sont avant-derniers au nombre de Home Runs concédés ainsi qu’au taux de conversion des opportunités de sauvetage (48.5%, seuls les Texas Rangers – zéro blague – ont fait pire).
Individuellement, on a pu voir du monde puisque seulement deux lanceurs (Freeland et Gomber) ont lancé plus de 100 manches sur la saison mais, vous l’aurez compris, on n’a pas été gâtés en termes de qualité. Peut-on parler de satisfaction pour Justin Lawrence, Brent Suter et Jake Bird qui n’ont pas été parfaitement ridicules (et ce malgré le 0/11 du dernier en Saves) ? Pas sûr… Pour le reste, il faut arriver au 11e lanceur partant en terme de matchs démarrés pour trouver une ERA inférieure à 5 (German Marquez, 4 matchs lancés avant de devoir passer par l’opération Tommy John, 20 IP, ERA 4.95). Bref.
Et les batteurs, me demanderez-vous ? Je vous répondrais « pas pire », mais sans grande conviction. Les Rockies sont bien calés au milieu du tableau pour les statistiques des hits, runs, et donc à la moyenne, mais avec un OPS et un nombre de strike-outs et de walks qui les installe bien dans le Bottom 5. Les Rockies ne sont pas non plus très performants au niveau des Home Runs et ne volent pas les bases. Bref, un talent certain mais un talent sans réelle énergie qui plombe tout éventuel espoir de compenser la performance abyssale des pitchers par le bâton.
On notera tout de même la saison prometteuse de l’outfielder Nolan Jones, reçu des Cleveland Guardians en échange de Juan Brito en novembre 2022, et quatrième du Rookie of the Year de National League en 2023 (3.7 WAR, .297, 20 HR, 20 SB) ou encore le Gold Glove de Brenton Doyle, tout aussi épatant avec le gant qu’apathique avec la batte (.203 AVG). Les McMahon, Tovar, Blackmon et Grichuk ont également fait le job, sans non plus épater la galerie. On s’y attendait un peu. Kris Bryant a vu une blessure interrompre une saison qui semblait partie pour être bien quelconque, on s’y attendait aussi. Rien de nouveau sous le soleil de Denver, et voilà donc l’heure de jeter un voile pudique sur cette saison 2023 qui sera – on le leur souhaite – vite oubliée par les fans des Rockies.

Qu’attendre de 2024
Vous l’aurez compris, 2023 était une année à oublier au plus vite pour les Rockies, mais il y a du talent, des jeunes pousses qui s’installent, alors peut-être que 2024 sera la saison de la révélation ? Autant être clair, il va falloir attendre encore un peu. German Marquez et Antonio Senzatela ne lanceront – respectivement – que peu et pas en 2024. Leurs remplaçants Dakota Hudson et Ryan Feltner ne sont rien de plus que des marque-places, et cela résume bien l’état d’une rotation dont les autres membres sont Kyle Freeland, Austin Gomber et Kyle Quantrill qui, à eux trois, n’ont pas réussi à briser la barre des 5.00 ERA en 2023.
Du côté du bullpen, ce n’est pas beaucoup plus réjouissant : Daniel Bard souffre toujours de problèmes d’anxiété, et une blessure au genou est venue compliquer la situation… et le reste du bullpen n’est simplement pas au niveau pour la MLB. Une mention honorable tout de même pour Justin Lawrence qui reste la valeur sûre du club au poste de Closer, mais tellement seul.. On gardera toutefois un œil sur Jake Bird et Nick Mears, qui pourraient être utiles cette année.
Vous l’avez compris, les Rockies seront, cette année encore, les victimes désignées de la NL West à cause de leur pitching staff. Le lineup n’est pas vilain sur le papier, mais pas assez costaud pour compenser les manques des lanceurs, et la question des blessures sera un doute permanent : Charlie Blackmon et Kris Bryant sont deux grands joueurs mais l’âge de l’un et la fragilité de l’autre sont une source de doute permanent pour Bud Black, le Manager des Rockies. Brendan Rodgers a lui aussi ses soucis physiques mais, admettons-le, le reste du lineup a son charme avec les Tovar, Jones, McMahon, Montero ou encore Doyle comme précurseurs d’un nouvel âge glorieux.
Mais je vous arrête là tout de suite, ce ne sera pas pour 2024. Cependant, les Rockies ont finalement décidé de prendre le tournant de la modernité. Pas sur le marché des transferts, car les acquisitions de Quantrill, Hudson, Zimmer et Stallings ne changeront pas grand-chose, mais plutôt sur le plan de l’avenir.
En décembre 2013, les Rockies ont finalement rattrapé leur retard en ouvrant leur « performance lab », une infrastructure dédiée à l’étude de la biomécanique de leurs joueurs, des joueurs de minor league et des recrues potentielles. Un atout majeur pour survivre en tant que petit marché dans les Big Leagues (et si vous en doutez, demandez aux Tampa Bay Rays comment ça marche pour eux) :
Les Rockies, qui ont aussi une belle flopées de top prospects attendus vers 2025-26, ont finalement décidé d’épouser la révolution analytique vingt ans après tous leurs adversaires, et il suffirait qu’ils trouvent en plus un moyen d’optimiser l’altitude de leur ballpark pour peut-être, à nouveau, envisager de ne pas partir en vacances dès le premier octobre. Une équipe à suivre, mais pas tout de suite, il ne se passera probablement rien qui vaille le coup d’être raconté en 2024.
Le joueur à suivre : Nolan Jones
Il est l’énorme satisfaction de la saison 2023 pour les Rockies. Aperçu fin 2022, sans forcément briller pour ses premiers pas dans les Ligues Majeures, il est redescendu en Triple A avant de faire son retour vers la fin du mois de Mai… avec un franc succès cette fois. En tout juste 4 mois, il aura posté une fiche de .297/.389/.542 avec 20 Home Runs, 20 vols de bases et 62 RBI. 4.3 WAR dans la poche, une quatrième place au classement du Rookie of the Year de National League, et un nouveau statut à justifier en 2024.
Et on peut y croire tant le gamin est doué, et tant il semble conscient de ses axes de progrès. Polyvalent, il a d’ores et déjà montré une défense de niveau élite tant aux coins de l’infield que dans les trois postes de l’outfield. Il a également, pour sa première saison dans les Majors, rejoint un club plutôt select de joueurs ayant au moins 3 Runs au dessus de la moyenne au bâton, à la course sur base et en défense.

(Source : Fangraphs : https://blogs.fangraphs.com/nolan-jones-shadow-king/ )
Le plus dur reste à faire, bien entendu, maintenant qu’arrive la saison de confirmation et que ses adversaires sont prévenus. Mais pour tous les fans des Rockies, et les autres, Nolan Jones est une excellente raison de garder un œil sur Coors Field en 2024
La star : Kris Bryant
C’est indéniable, le début de parcours de Kris Bryant avec les Rockies est très décevant. Après avoir signé un contrat de 7 ans et 182M$ dans le Colorado, Bryant a enchainé les blessures et n’a pu exprimer son talent que par intermittence, et dans la douleur, du côté de Coors Field. Disparu, évaporé, le Bryant aérien de ses débuts aux Chicago Cubs et pourtant, chaque fan de baseball ne peut s’empêcher, dans son for intérieur, d’imaginer que ce gamin formidable, ce leader des Cubs enfin champions, puisse retrouver son mojo, son envie et toute sa classe. Il n’a que 31 ans après tout.
En 2024, Kris Bryant sera assigné de manière quasi-permanente au premier but, une manière d’utiliser son expérience tout en limitant le risque de blessures, bien plus prévalent dans l’outfield. A lui désormais de repayer la confiance mise en lui par le board des Rockies, au point d’en faire le visage de la franchise, et montrer au monde que le MVP 2017 peut revenir – enfin – à son meilleur niveau.

Le prono
Du talent, il y en a, mais a ce niveau, et surtout avec l’effet Coors Field, se présenter avec un pitching staff comme celui des Rockies semble un handicap insurmontable. On peut espérer toutefois, revivre une saison comme celles connues lors de l’avènement des Arenado, Tulowitzki et autres Blackmon : du spectacle, du fun, et une bonne tricotée de défaites. Si déjà le plaisir de jouer peut revenir, le reste suivra (peut-être).
Mon pronostic : cinquième de NL West, 62-100
Le pari fou
Nolan Jones n’est pas juste un bon jeune. Il tape une saison en mode Acuna Jr., 40 HR et 50 SB, et va chercher le titre de MVP malgré les difficultés de la franchise.
