Interview PUC 100 ans – Serge Evdokimoff : « Le baseball fut un pur moment de plaisir »

L’année 2023 était une année particulière pour le club doyen du baseball français. La section baseball du Paris Université Club, rejoint depuis par une section softball et une section cricket, fêtait ses 100 ans. Recordman des titres de champion de France Baseball en D1, le PUC est avant tout un club qui a accompagné les péripéties du baseball français. Et ce, depuis la création de la fédération française en 1924, dont il est membre fondateur, au prix de quelques disparitions et renaissances dont la dernière, définitive, date de 1965. Raconter l’histoire du PUC Baseball Softball Cricket, c’est raconter l’histoire des sports de batte en France. Pour fêter les 100 ans du PUC, The Strike Out vous propose une série d’interviews d’anciens membres du club afin d’explorer cette riche histoire. Une série qui continue en 2024 pour le centenaire de la FFBS. Aujourd’hui, retour au baseball des seventies.

Pour cette deuxième interview, rencontre avec Serge Evdokimoff, ancien joueur du PUC et de l’équipe de France dans les années 1970… ou plutôt des équipes de France puisqu’il fut aussi international en hockey-sur-glace. Une interview sans concession, à l’image du baseball rugueux des années 1970.

Français Volants de Paris, champions de France minimes 1971. Serge Evdokimoff et Antoine Préchac, deux futurs joueurs du PUC sont sur la photo.

Serge Evdokimoff

Débute au PUC en 1974

Équipe de France Senior Baseball de 1975 à 1978

Équipe de France Senior Hockey de 1975 à 1981

Bonjour Serge. Comment es-tu arrivé dans le baseball, au PUC puis en équipe de France ?

Via Yves Préchac, l’ainé des trois frères (Olivier, Yves et Antoine Préchac furent trois joueurs de hockey de haut niveau et joueurs au PUC Baseball. Les deux premiers furent internationaux en hockey et en baseball. Le dernier frère fut international en baseball, NDLR). Nous jouions ensemble au hockey pour les Français Volants. C’est lui qui m’a sollicité en me disant « tu as un physique de lanceur, tu devrais venir jouer au Baseball avec le PUC ». Pour avoir effectué des stages de hockey au Canada, j’avais vu des matchs à la télé, et même les Expos au Parc Jarry à Montréal, mais je ne connaissais rien de précis à ce jeu et surtout je n’avais aucune idée des spécificités de chaque poste. J’ai pris l’invitation et me suis rendu pour un premier entraînement un jeudi soir à la Poterne des Peupliers. Le dimanche, je jouais mon premier match avec l’équipe 1 à Saint Germain. Troisième Base !!!! Grande surprise, pour moi… Débutant et je joue dans l’équipe 1 alors que je ne connais rien du tout.

Pour montrer la différence avec le hockey, auquel je jouais depuis 10 ans, avec 4 entrainements hebdomadaire : à l’époque, j’étais en catégorie Cadet et je venais de terminer ma première saison avec l’équipe 1 (double surclassement) des Volants en ayant passé 50% de la saison « au bout du banc », attendant qu’on me donne ma chance. Contraste saisissant, mais qui me permit de voir rapidement que mes qualités physiques allaient me permettre de compenser rapidement le manque de technique. Mais aussi de mesurer la relative faiblesse de l’adversité.

Comment conciliais-tu hockey-sur-glace de haut niveau, un sport ayant déjà un développement très avancé par rapport au baseball, et le baseball justement ? Trouvais-tu une réelle complémentarité entre les deux disciplines ?

Concilier le hockey et le baseball n’était pas compliqué. Les saisons respectives se chevauchant à peine au printemps et à l’automne. Seuls quelques week-ends de début et fin saison étaient un peu compliqués avec la programmation des matchs.

Je me souviens de quelques fois où j’ai quitté l’équipe prématurément pour prendre un avion et être à l’heure au match de hockey du soir. Ceci étant, à ces occasions, j’avais quand même un match de baseball et un match de hockey, dans les jambes en fin de journée. La troisième période étant parfois plus difficile à terminer. Mais, j’ai aussi rapidement acquis la faculté, à cause de cela justement, à me préserver pour le «money time» lorsque cela devenait utile. Et finalement, le baseball, qui ni techniquement ni physiquement, ne constituait un apport réel pour ma pratique hockey, m’a en fait contraint à mieux gérer mon effort sur la glace.

Tout jeune joueur, encore Junior, je venais d’honorer ma première sélection pour un championnat du monde Senior, en plus du championnat d’Europe Junior. J’étais plutôt «physique » et surtout très actif sur la glace, couvrant beaucoup de terrain grâce à ma vitesse et surtout ma condition physique générale. Étudiant en EPS à l’INSEP, je cumulais à peu près 20 heures de sports/semaine, sans compter les matchs du weekend. Autant dire que j’étais «en form » et donc beaucoup plus athlétique que la plupart des joueurs de baseball. Cela m’a grandement facilité les choses.

Le baseball français, au milieu des années 1970, était encore embryonnaire avant son boom à la fin de la décennie et durant les années 1980. A quoi ressemblait le baseball durant cette période, que ce soit au niveau des équipes, du niveau de jeu, de l’organisation ou des infrastructures ? J’imagine que ce devait être un monde assez atypique, surtout en venant du hockey pro.

Tout était différent. A commencer par le volume d’entraînement ou l’organisation générale au cours des séances. Pas de tenue uniforme. On avait plus l’air d’une «bande de potes » qui se réunissaient le jeudi pour pratiquer leur activité. Le contenu aussi : préparation physique absente, un vague échauffement, un batting practice où on avait 10 swings pour progresser, un infield practice sans opposition (pas de joueurs sur base) et terminé. Et encore, le PUC se dota d’une machine à lancer et d’une cage installée à Charléty que nous pouvions utiliser à loisir. Cela me fut très utile dans la préparation pour Barcelone (Championnat d’Europe) Avec Antoine Préchac, nous allions deux à trois après-midis par semaine se faire une bonne séance.

Les équipes du PUC et de Saint Germain en 1969. Serge Evdokimoff rejoindra les parisiens quelques années plus tard et jouera son premier match contre Saint Germain – Crédit photo Bernard Goiffon / Strike Magazine

Le plus bizarre, néanmoins, restait cette absence de terrain. C’est comme si on avait voulu jouer au hockey sans patinoire ! On jouait parfois sur des terrains de foot, sans monticule. La Cipale à Vincennes (un vélodrome avec un terrain de rugby au centre, dans le bois de Vincennes, NDLR) était aussi un de nos terrain favoris, au milieu du vélodrome et sa piste en ciment. Les champs latéraux portaient des «baskets» pour ne pas glisser avec les spikes, ou alors faisant des étincelles lorsqu’ils courraient sur cette piste. Les déplacements aussi étaient «folklo». Voiture particulière à 4 ou 5, et en avant pour la Belgique (Anvers) où nous montions jouer une à deux fois par saison. Les repas d’après-match c’était sandwich. Un autre monde !

Mais je trouvais cela sympa et décontracté, me faisant un bon dérivatif d’inter-saison, me sortant de la salle de muscu et des séances cardio. En fait, le baseball fut pour moi un véritable «jeu» et un pur moment de plaisir. Ceci étant, sur le terrain, je venais pour gagner. Un peu provocateur, j’invectivais souvent les adversaires, histoire de les déstabiliser. Je ne manquais jamais l’occasion d’en bousculer un lorsque l’occasion se présenter sur les sentiers.

Assez rapidement, je suis devenu une sorte de «couteau suisse», troisième base, catch et même lanceur. Pas beaucoup de vitesse, pas de courbe mais je pouvais mettre la balle au milieu de la zone de strike pendant 15 reprises si besoin. Je crois même que nous avions gagné un match à Madrid en coupe d’Europe comme cela. La veille, nous avions battus les Suédois avec Pierre Kadri au monticule. Nous n’avions que deux vrais lanceurs. JP Kunetz qui avait débuté, connu quelque difficultés vers la 5ème… Je pris la relève et donna «à frapper». Comme j’avais dégommé leur première base quelques manches avant, les Espagnols étaient tellement énervés après moi qu’il en perdirent tout contrôle. Ils leur auraient suffit de juste «contacter» la balle pour gagner. Mais ils voulaient tellement me «défoncer» qu’ils rataient tout ce qu’ils voulaient. Évidemment, j’en rajoutai toujours un peu, avant ou après leur passage au bâton, augmentant leur énervement (un vrai plaisir pour moi), leur montrant la direction du banc sur un strikeout, ou leur faisant signe que j’allais «leur trancher la gorge» avant qu’ils ne prennent place au bâton. En fait, j’étais tellement habitué au défi physique et psychologique avec le hockey que je le reproduisais au baseball.

Même le coach (un américain que les Pucistes connaissaient) était venu me voir au monticule pour me demander de faire autrement. Je lui avais courtoisement répondu «on va gagner, laisse faire, ils sont à moi». Nous en avions parler rapidement après le match (je quittais l’équipe juste après pour rejoindre mon club de hockey). Il m’avait dit un peu offusqué «jamais un joueur ne m’avait parlé comme cela… ». Je me suis excusé pour la forme, percevant l’offense que je lui avais fais, mais au fond j’étais convaincu d’avoir bien agi. Il m’arrivait assez souvent au hockey de m’accrocher avec les entraîneurs, quand j’avais l’impression qu’on prenait les choses à l’envers. Pourquoi aurais-je fais différemment au baseball ?

Ma carrière baseballistique fut brève. En 81, je quittais Paris pour la province afin de rejoindre le club de hockey de Tours via un contrat de deux ans. Pas de baseball à Tours! Après, j’ai travaillé pour les Dragons de Rouen, où je vis naître les Huskies, composés par quelques franco-canadiens qui jouaient aussi au hockey pour les Dragons. Devenu père de famille, je consacrais mon temps libre aux miens. Je ne me suis pas rapproché des Huskies. Je crois savoir qu’ils sont aujourd’hui une grosse organisation du baseball français.

Livre sur le hockey sur glace écrit par Serge Evdokimoff et publié aux éditions Milan

Quels sont les moments mémorables que tu as pu vivre avec le PUC ou l’équipe de France ?

Je me souviens assez bien de Barcelone (championnat d’Europe). Dans notre poule, l’Italie, que des Italo-Américains sauf un, leur receveur. Un mec avec un super bras, à qui pourtant j’allais voler la seconde lors de mon premier passage au bâton. Malheureusement, trop gourmand, je me faisais retirer en troisième, ayant poursuivi ma course car il avait manqué son lancer à la seconde. Manque d’expérience : j’aurais regardé vers la droite où était allée la balle, je me serais arrêté en seconde tranquillement.

Ce championnat fut aussi un truc folklorique. Les vestiaires en train d’être peint lorsque qu’on arrive pour notre seul et unique entraînement sur le terrain avant le début du championnat. Le terrain d’entrainement pas tracé, sans back-stop. Les balles qui partent dans les taillis… Olivier (Dubaut) qui nous demande sans cesse d’aller les récupérer… Charly Green, le coach qui arrive tout droit de son université et n’est pas du tout habitué à gérer un « bordel » pareil. L’hôtel de deuxième zone dans une rue adjacente des Ramblas. Chambre de trois, sur cour au-dessus des cuisines… En fait, rien de ce qui constitue un environnement normal propice à la perf. Perf que nous ne ferons d’ailleurs pas. L’équipe était bien trop faible. Je ne considérais même pas être de calibre pour participer à une compétition de cet ordre. Mais sincèrement et sans vouloir insulter mes partenaires de l’époque, 80% des joueurs n’avaient rien à faire là. Beaucoup n’auraient pas résisté 5 minutes dans un match de hockey. Mis à part, deux frères de Nice, des bons joueurs, JP Kunetz, Gilles Thomas, Krisna Glough, Antoine Préchac, Patrick Millo, Pierre Kadri, tout juste de quoi faire un neuf de départ, et encore… On a même eu des blessés. Néanmoins, je garde un excellent souvenir des cette campagne d’Espagne.

Je vais avoir quelques mots pour Olivier Dubaut. Ce type aura dédié sa vie au baseball et au PUC. C’est grâce à des gens comme lui que des gens comme moi ont été en mesure de faire ce que nous avons fait. Je sais bien qu’aujourd’hui, il devrait «passer la main», j’ai même entendu que certains l’appelaient de leurs vœux. Ils ont certainement raison, mais je crois qu’ils se rendront mieux compte de ce qu’aura fait cet homme, après!

Une autre chose qui me stupéfait et toujours par comparaison avec le hockey où le président de la fédé est un ancien joueur international. Le Président de la Fédération internationale est un ancien joueur des Français Volants. Un garçon comme Gilles Thomas (ancien Ace du PUC et de l’équipe de France, NDLR), DTN adjoint au basket, n’est rien dans le baseball. Ce type dispose de tous les relais, de toutes les connexions dans le sport français et même au delà et le baseball et le PUC s’en privent. Incroyable.

Dernier point, récemment nous avons eu le centenaire du PUC. Nous étions trois de ma génération, Gilles, Krisna et moi. L’année d’avant, nous avions eu une journée des Alumnis du PUC, et, à part les Frères Dubaut, JP Kunetz et moi, personne de cette époque. De plus, Pershing dans un état de délabrement incroyable. Un jour, la mairie de Paris va récupérer cet espace pour en faire un terrain de foot de plus ou un parking et il en sera terminé du Baseball Parisien et du PUC. Ce jour-là, j’ai entendu des conversations incroyables. Comme si rien n’avait évolué! Il est vrai qu’exister dans l’univers parisien, compte tenu de l’offre et des difficultés de circulation, n’est pas simple. Les clubs de hockey franciliens ne sont aujourd’hui rien à coté des Rouen, Grenoble, Angers, Marseille. Je pense qu’un phénomène similaire doit exister au baseball.

Merci à Serge d’avoir fouillé dans ses souvenirs pour nous amener dans ce baseball français de la fin des seventies et pour sa franchise.

Serge Evdokimoff

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