WBC 2023 – Japon : un pays fou de son “yakyu”

UPDATE 2023 : Dans le cadre de notre série sur la World Baseball Classic 2023, nous vous proposons de redécouvrir cet article consacré au Japon, à l’histoire du baseball dans le pays, son championnat, ses plus grandes légendes, le phénomène “Koshien”… le tout mis à jour. Bonne (re)lecture!

Dans le cadre de notre semaine “spéciale Japon”, focus sur le championnat professionnel japonais. Des stades pleins et des joueurs de talent pour ce qui est considéré comme l’un des tous meilleurs championnats au monde, peut-être même le meilleur derrière la Major League Baseball. Malgré l’émergence du football et l’éclosion du rugby (le Japon accueillera dans quelques semaines la Coupe du Monde), le baseball reste bien le premier sport collectif du pays et le plus populaire.

Le baseball au Japon

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Le championnat pro au Japon naît en 1934, ici les Giants / DR.

Les premières traces du baseball (“yakyu”) au Japon remontent à 1873, soit trois ans avant la naissance de la National League aux Etats-Unis. Une exportation précoce que l’on doit à un professeur américain expatrié, Horace Wilson, qui fit découvrir le sport à ses étudiants. A l’inverse, la création du premier club est l’oeuvre d’un ingénieur japonais des chemins de fer qui avait étudié sur la côte Est des USA, Hiroshi Hiraoka. Le Shimbasji Athletic Club voit le jour en 1878, composé de travailleurs des chemins de fer et de techniciens étrangers. Dans le baseball, les Japonais apprécient très vite la lutte, le duel, la science entre le lanceur et le frappeur, qui leur rappellent le sumo ou les arts martiaux.
Le baseball japonais ne suscite pas l’intérêt ou la curiosité des pères/pairs américains jusqu’en 1896 quand la première formation 100% nippone, les Ichiko de l’Instruction supérieure de Tokyo, affrontent pour une série de trois matchs une équipe d’Américains établis au Japon. Les membres du Yokohama Country and Athletic Club s’inclinent lourdement à trois reprises. Ces victoires japonaises font la Une des journaux et toutes les écoles et universités du pays forment alors leur équipe, et les clubs fleurissent. Le “yakyu” reste d’ailleurs longtemps l’apanage des équipes de jeunes et amateurs (voir le paragraphe sur le “koshien”). Il faudra attendre 1934 pour la création du premier championnat professionnel.

Le championnat professionnel

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Le championnat professionnel japonais, aka Nippon Professional Baseball (“Nippon Yakyū Kikō”) ou NPB, naît donc en 1934 sous les traits du Greater Japan Tokyo Baseball Club, des équipes All-Stars qui auront notamment le privilège d’affronter en amical Babe Ruth, Lou Gehrig et Jamie Foxx lors de tournées des stars américaines. Deux ans plus tard, en 1936, place à la Japanese Baseball League qui survivra à l’interruption de quatre ans pendant la seconde guerre mondiale pour perdurer jusqu’en 1949.
Le NPB sous sa forme actuelle de douze équipes est créé en 1950. On y retrouve déjà les deux ligues –  Centrale et Pacifique – et une série finale à l’image des World Series. La saison se calque d’ailleurs quasiment sur celle de la MLB avec des débuts en mars, une coupure l’été pour le All-Star Game (ci-dessous une vidéo d’un tout jeune Ichiro lanceur lors du ASG 1996!) pour quasiment autant de matchs de saison régulière. Il existe aussi aujourd’hui deux ligues mineures de développement, les Ligues Est (sept équipes) et Ouest (cinq équipes).

Le professionnalisme du baseball japonais et son niveau de jeu ont rapidement attiré des joueurs expatriés qui – pour la plupart – ne parvenaient pas à se faire une place en MLB. Les premiers joueurs étrangers sont répertoriés dès le lancement de la première Ligue en 1934. Pour favoriser le développement des joueurs locaux, des règles restrictives ont toujours existé : selon les époques pas plus de deux, trois ou quatre joueurs étrangers (comme aujourd’hui) dans une équipe (même parfois en prenant en compte le coaching staff).

Les équipes actuelles

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A la lecture de ce tableau, difficile de ne pas faire le lien entre les Yomiuri Giants et les New York Yankees, tant les deux équipes dominent outrageusement le palmarès de leur Ligue respective. Elles ont aussi le point commun d’attendre un nouveau titre depuis longtemps : 2012 d’un côté et 2009 de l’autre. Les Giants peuvent même ajouter à leur livre d’histoire les neuf titres acquis entre 1936 et 1949, avant la naissance de la formule actuelle de la NPB. Créé en 1934, le club qui évolue au Tokyo Dome est le plus ancien des douze qui composent actuellement la Ligue professionnelle. C’est lui aussi qui draine le plus de spectateurs : plus de 41 000 en moyenne sur la saison 2018!

La région de Tokyo, Greater Tokyo Area, héberge cinq des douze équipes de la NPB : les Giants donc, mais aussi les Saitama Sebu Lions, les Tokyo Yakult Swallows, les Chiba Lotte Marines et les Yokohama DeNA Baystars. Les Hanshin Tigers et les Orix Buffaloes sont eux originaires de la région d’Osaka. Il y a aussi les Chunichi Dragons à Nagoya et les Hiroshima Tokyo Carp dans la ville du même nom. Dernière équipe de l’île de Honshu : les Tohoku Rakuten Golden Eagles, franchise créée en 2004. Sur l’île d’Hokkaido, au nord de l’archipel, évolue les Hokkaido Nippon-Ham Fighters et au sud sur l’île de Kyushu, on trouve le champion 2018 : les Fukuoka Softbanks Hawks. On note que de nombreuses équipes ont pour noms les entreprises qui les possèdent. Ces dernières ont d’ailleurs parfois racheté des franchises qui existaient depuis les années 1930.

UPDATE 2023 : Comme les Yankees avec qui ils sont souvent comparés, les Giants n’ont pas retrouvé le chamin du succès depuis un long moment (2012). Pour compléter le tableau ci-dessus, sachez que les Fukuoka Softbanks Hawks ont prolongé leur série de victoires avec les titres remportés en 2019 et 2020 (face justement aux Giants à deux reprises). Les Tokyo Yakult Swallows ont pris le relais en 2021 en dominant les Orix Buffaloes. Même affiche en 2023, mais revanche des Buffaloes!

Les records individuels

Les “gaijin waku”, limitations du nombre de joueurs étrangers dans une équipe (voir paragraphe sur le championnat), n’empêchent pas que la plupart des records individuels de la NPB soient justement détenus par des expatriés. Avec .334, Leron Lee détient ainsi le meilleur pourcentage en carrière, son compatriote américain Randy Bass a lui établi la meilleure marque sur une saison : .389 en 1986. Ichiro Suzuki possède lui les 2e et 3e marques avec .387 et .385.
Le Néerlandais natif de Curaçao, Wladimir Balentien, a lui en poche le record de HR sur une saison (60 en 2013). Moins prestigieux : l’Américain Ralph Bryant possède les quatre “meilleures” marques pour le nombre de K concédés sur une saison : 204 en 1993, 198 en 1990, 187 en 1989 et 176 en 1992! L’honneur est sauf pour les batteurs japonais avec les records de RBI par Makoto Kozuru (161 en 1950), hits par Shogo Akiyama (216 en 2015) et bases volées par Yutaka Fukumoto (106 en 1972).

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Le Néerlandais Balentien détenteur du record de HR en NPB / DR.

UPDATE 2023 : Si le record all-time de Home Runs appartient toujours à Wladimir Balentien (60 en 2013), le Japonais Munetaka Murakami en a frappé 56 en 2022 et ainsi détrôné la légende Sadaharu Oh pour la meilleure marque d’un joueur japonais. Murakami a décroché le titre de MVP de la NPB en 2022 en remportant la Triple Couronne dans la foulée de ses 56HR. Pour notre plus grand plaisir, il est dans le roster de l’équipe japonaise pour ces WBC.

Côté pitching, les lanceurs japonais trustent presque toutes les distinctions individuelles : meilleures ERA par Hideo Fujimoto (0.73 en 1943), Masaru Kageura (0.79 en 1936) et Eiji Sawamura (0.81 en 1937)… de vieux records d’ailleurs ; plus grand nombre de K pour Yutaka Enatsu (401 en 1968), Kazuhisa Inao (353 en 1961) et Masaichi Kaneda (350 en 1955). Le plus grand nombre de victoires sur une saison est partagé entre le lanceur russe (!!!) Victor Starffin et le Japonais Kazuhisa Inao avec 42, respectivement en 1942 et 1961. Enfin, le plus grand nombre de saves sur une saison appartient à l’Américain Dennis Sarfate depuis 2017 (54) devant deux closers japonais.

Depuis 1950, il y a eu seize perfect games dans l’histoire de la NPB, tous réalisés par des lanceurs japonais. Le dernier en date remonte à 2007 lors du match 5 des Japan Series (l’équivalent des World Series) et est en fait un perfect game collectif signé Daisuke Yamai et Hitoki Iwase.

UPDATE 2023 : Il y a eu un 17e perfect game depuis notre article (16e si on ne prend pas en compte le perfect game collectif de Yamai et Iwase). Le 10 avril 2022, le jeune Roki Sasaki (21 ans) des Chiba Lotte Marines a réalisé l’exploit en signant 19K (record de K/match égalé dans l’histoire de la NPB). Il a même retiré 13 batteurs consécutifs sur strikeouts (record pour lui tout seul). Le plus fou dans cette histoire c’est que lors de son start suivant, le 17 avril, Roki a été parfait pendant 8 manches (avec 14K)!
Tout proche de réaliser un doublé, il a été sorti par son manager avant de démarrer la 9e manche, en raison d’un nombre élevé de lancers. Il aura au total retiré 52 batteurs consécutifs en cumulé sur ces deux rencontres, un nouveau record NPB. Pour son start encore suivant, le 24 avril, Roki a concédé un hit sur son premier pitch… fin d’une série absolument hallucinante!

A noter enfin qu’en plus du perfect game de Sasaki (qui sera lui aussi présent à la WBC), il y a eu pas moins de 4 no-hitters au cours de cette saison 2022 : Nao Higashihama (Fukuoka SoftBank Hawks), Shota Imanaga (Yokohama DeNA BayStars), Yoshinobu Yamamoto (Orix Buffaloes) et Cody Ponce (Hokkaido Nippon-Ham Fighters), premier étranger à lancer un no-hitter depuis Rick Guttormson en 2006.

Les grands joueurs japonais

Sadaharu Oh

Né à Tokyo en 1940, Oh choisit pourtant la nationalité chinoise de son père. Il est LA légende des Yomiuri Giants pour qui il joue 22 saisons de 1959 à 1980. Il remporte le titre de champion à onze reprises (!) et est élu neuf fois MVP de la Central League (un record évidemment). Sadaharu détient de très nombreux records en NPB (RBI, SLG, BB, OPS) mais aussi le record mondial du nombre de HR : 868 pendant sa carrière professionnelle. Retraité du  terrain, il est manager de son club de coeur de 1984 à 1988. Il coachera ensuite les Fukuoka Daiei (futurs Fukuoka SoftBank Hawks) de 1995 à 2008, avec entre-temps un intérim de manager de l’équipe nationale pour la première World Baseball Classic remportée par le Japon en 2006 aux dépens de Cuba (voir plus bas). Il est aujourd’hui manager des Hawks.

Shigeo Nagashima

Coéquipier de Oh chez les Giants, Nagashima compte lui aussi onze titres de champion. Il en ajoutera trois autres en tant que manager de l’équipe (deux passages entre 1975 et 1980 puis de 1993 à 2001). Annoncé comme manager de l’équipe nationale pour les JO d’Athènes en 2004, Nagashimla doit renoncer pour raisons de santé. Il réapparaît lors d’un match des Giants au Tokyo Dome en 2005 pour la plus grande joie du public.

Katsuya Nomura

L’un des top catchers de l’histoire de la NPB avec ses cinq titres de MVP de la Pacific League. Il se place derrière Oh dans plusieurs catégories all-time dans le championnat japonais : 657HR et 1988RBI. Après sa carrière de joueur, il sera manager de plusieurs équipes.

Hideo Nomo

Il est celui qui a ouvert la voie aux joueurs japonais en MLB, même s’il ne fut pas le premier à émigrer. Sous les couleurs des Kintetsu Buffaloes, il remporte en 1990 le Eiji Sawamura Award qui récompense le meilleur starter de la saison. Quelques années plus tard, il se retrouve en conflit avec son club car il veut rejoindre les Etats-Unis, Nomo claqua la porte de la NPB avec fracas après que son agent ait trouvé une faille dans les règlements : prendre sa retraite sportive lui permet de devenir agent libre et donc de signer où il veut en cas de reprise d’activité. Nomo ne fut donc retraité que quelques mois, à l’issue de la saison 1994, le temps de s’engager chez les Dodgers en février 1995. Le lanceur remportera le trophée de Rookie de l’année en NL, puis s’offrira plus tard deux no-hitters.

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Hideki Irabu

Le Japonais maudit de la MLB! Lanceur des Lotte Orions (qui deviendront les Chiba Lotte Marines) de 1988 à 1996, il souhaite découvrir la MLB alors qu’il est toujours sous contrat (un peu à l’image de Nomo). Son club décide alors de le vendre sans son accord aux Padres avec qui ils ont des relations. Irabu refuse de lancer pour San Diego et exprime son envie de rejoindre les Yankees. Les Padres consentent à le laisser partir en échange de deux prospects + 3 millions de dollars. En mai 1997, Irabu réalise donc son rêve et s’engage, à 28 ans, avec les Yankees où il est accueilli en fanfare, le premier japonais de l’histoire de la franchise. Mais le rêve tourne vite au cauchemar : en trois saisons à New York, il poste une ERA de 4.80. Envoyé aux Expos, c’est encore pire : une ERA de 6.69 en 14 starts et deux saisons avant de terminer sa carrière américaine en releveur chez les Rangers en 2002 (2 starts, 36 relèves, ERA 5.74). Irabu retourne au Japon chez les Hanshon Tigers pour deux saisons. Rongé par des problèmes personnels tout au long de sa carrière, il est retrouvé mort, un suicide, dans sa maison de Californie en juillet 2011. Son conflit initial avec les Orions va provoquer un changement de règles entre la NPB et la MLB : les clubs MLB devront désormais payer des frais au club NPB pour qui le joueur est encore sous contrat. [Le magazine Sports Illustrated a consacré un excellent article au destin d’Irabu dans son édition de juillet 2017, à retrouver ici.]

Ichiro Suzuki

Son prénom est devenu iconique dans le monde du baseball japonais et américain. Superstar dans son pays avec les Orix Blue Wave (champion en 1996) et trois fois MVP de la Pacific League, il est le premier joueur de position à tenter le pari américain et rejoint en 2001 les Seattle Mariners. La transition ne lui pose pas de problème puisqu’il est élu Rookie de l’année et MVP de la Ligue Américaine grâce à des stats exceptionnelles : .350/.381/.450, 56 vols de bases et un record de la saison de 242 hits (il établira même un record de 262 en 2004).
En 2012, il rejoint les Yankees où il évolue jusqu’en 2014 avant de revenir à Seattle. On ne fera pas la liste des récompenses individuelles pour l’outfielder japonais, elles sont bien trop nombreuses, on rappellera tout de même qu’il fait partie du club des 3000 hits en MLB (plus de 4300 au total avec la NPB). En mars dernier, alors que les Mariners jouent les Opening Series à Tokyo, Suzuki prend officiellement sa retraite. On ne se lasse pas de ces images…

Koji Uehera

C’est à l’âge de 34 ans que le lanceur fait le grand bond entre la NPB (dix saisons avec les Yomiuri Giants) et la MLB (les Orioles).  Sa meilleure saison américaine sera 2013 sous le maillot des Red Sox : premier releveur de l’histoire avec au moins 100K et moins de 10BB en une saison. Il dispute 73 matchs (ERA 1.09) et se voit même confier le rôle de closer de Boston pour la postseason. Nommé MVP des ALCS, il s’offre un K sur Matt Carpenter des Cardinals en World Series pour offrir le titre à son équipe.

Hideki Matsui

Véritable star des Yomiuri Giants pendant dix saisons, avec notamment trois titres de champions et trois trophées de MVP de la Central League (1996, 2000 et 2002), Matsui signe un contrat énorme pour l’époque de 21 millions de dollars pour rejoindre les Yankees (quand on vous disait que les deux clubs se ressemblaient). Auteur d’une excellente saison rookie en 2003, il frappe 37HR en 2004 avec des stats impeccables (.298/.390/.522) qui lui valent une sélection au All-Star Game. Il passera au total sept saisons à New York avec comme fait d’armes ce titre de MVP des World Series en 2009: AVG de .615 avec 3HR contre les Phillies. Il jouera ensuite avec les Angels, A’s et Rays avant de prendre sa retraite en 2012.

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Hideki Matsui, triple champion NPB puis champion MLB / DR.

Masahiro Tanaka

Deux fois meilleur starter de NPB avec Rakuten (ERA de 1.27 en 2011 et 2013 et aussi 1.87 en 2012), Tanaka débarque aux Yankees en 2014 sous la forme d’un contrat de sept ans et 155 millions de dollars (les montants ont bien changé) + la somme de 20 millions versée au club japonais pour les droits de négociation. All-Star dès sa première saison (ERA 2.77 en 20 starts), il enchaîne sur des saisons solides en 2015 et 2016 (ERA 3.26 combinée) avant de connaître un énorme trou d’air sur la première moitié de saison 2017. Il n’est alors plus l’Ace de New York, capable du très bon comme du pire, mais se reprend magistralement en postseason avec deux petits points concédés en 20 manches et 3 starts. Sa saison 2018 sera correcte mais sans plus (ERA 3.75, 12-6) mais Tanaka a perdu la magie de ses premières années américaines.

Yu Darvish

Considéré comme l’un des tous meilleurs lanceurs de l’histoire de la NPB (deux titres de MVP de Pacific League, un Eiji Sawamura Award, de multiples records de ERA ou K), Darvish fait le grand saut en 2012 et signe pour les Rangers (60 millions de dollars de contrat + 51 millions de droits de négociation). Dès sa deuxième saison, il réalise 277K (plus grand total de la saison) et termine 2e au vote pour le AL Cy Young. Il est ralenti dans sa carrière par une opération Tommy John en 2014 qui lui fera manquer toute la saison 2015. De nouveau All-Star en 2017, il atteint le palier des 1000K plus vite que aucun autre lanceur dans l’histoire de la MLB (812 manches).
Tradé aux Dodgers, il aide l’équipe à atteindre les World Series pour la première fois depuis 29 ans. Mais en finale, Darvish s’effondre : il ne termine pas la 2e manche dans aucun de ses deux starts face aux Astros, pour deux défaites dont celle décisive au Match 7. Il compilera sur ces WS : neuf points (huit mérités) en 3.1 manches. Ces deux matchs sont les deux plus courtes sorties de sa carrière. Cet échec ne l’empêche pas de signer un contrat de six ans et 126 millions de dollars avec les Cubs pour la saison 2018, qui sera marquée par plusieurs blessures.

Shohei Ohtani

Le phénomène, le Babe Ruth japonais… Les surnoms n’ont pas manqué lors des premiers mois du jeune homme en MLB. Mais la carrière d’Ohtani était déjà lancée depuis longtemps : il dispute le fameux “koshien” (voir plus bas) et annonce son intention de rejoindre les Etats-Unis dès sa sortie du lycée. Les Hokkaido Nippon-Ham Fighters le draftent quand même en vue de la saison 2013 sans se faire trop d’illusion, mais après un mois d’âpres négociations, Ohtani accepte de jouer en NPB et se voit attribuer le numéro 11 que Darvish portait encore quelques mois auparavant.
Ohtani ne déçoit pas : ERA 2.52 pour un bilan de 42 victoires et 15 défaites entre 2013 et 2017, et aussi 48 HR et 166 RBI avec une moyenne de .264… car le garçon n’est pas seulement un très bon lanceur, il est également outfielder et donc batteur! C’est donc ce “two-way player” que le public américain/canadien voit débarquer pour la saison 2018 après sa signature chez les Angels. Il devient le premier joueur depuis un certain Babe Ruth à cumuler 20HR et 10 sorties sur une saison. Ohtani est élu rookie de l’année en AL malgré une saison interrompue avant la fin : il subit une opération Tommy John qui le prive de monticule pour cette saison 2019 mais occupe le poste de DH régulièrement pour les Halos.

UPDATE 2023 : Depuis notre article, l’ami Shohei a fait plus que se distinguer en MLB avec son trophée de MVP en 2022 et ses performances historiques en tant que two-way player. Il a été capable d’enchaîner start sur le monticule + DH lors des deux dernières saisons. Vous pouvez (re)découvrir ici un portrait consacré à ShoTime.

La MLB au Japon

En mars 2019 et pour la 5e fois de son histoire (après 2000, 2004, 2008 et 2012), la MLB a ouvert sa saison au Japon! Les Athletics et les Mariners se sont affrontés au Tokyo Dome lors de deux rencontres spectaculaires et riches en émotion, en raison bien sûr de la retraite d’Ichiro (voir plus haut).

Autre événement qui rassemble les deux meilleures ligues du monde : les matchs du All-Star Tour entre joueurs professionnels américains et japonais. Les premiers affrontements de ce type remonte à 1908. Les matchs de novembre 2018 à Tokyo, Hiroshima et Nagoya marquaient le 37e rendez-vous. Dans la sélection MLB, on retrouvait de belles pointures comme Ronald Acuna Jr., Juan Soto, Yadier Molina, J.T Realmuto, Carlos Santana, Rhys Hoskins, Kirby Yates ou encore Kenta Maeda, forcément plus applaudi que ses coéquipiers!

L’équipe nationale

C’est à Barcelone en 1992 que le baseball fait son apparition au programme officiel des Jeux Olympiques. Le Japon prend la médaille de bronze après une victoire sur les Etats-Unis pour ce match de la 3e place. Quatre ans plus tard à Atlanta, le Japon grimpe d’une place sur le podium : médaille d’argent après une défaite en finale face à Cuba. Jusqu’en 2000, l’équipe japonaise qui dispute les compétitions internationales est composé uniquement de joueurs amateurs.
Le changement s’opère pour les JO de Sydney avec une sélection de joueurs de la NPB qui échouent au pied du podium, battus dans le match pour la 3e place par la Corée du sud. Revanche prise en 2004 pour le Japon qui s’impose face au Canada et s’empare cette fois de la médaille de bronze. Mais à Pékin en 2008, nouvelle chute du podium, avec une 4e  place. Après des absences au programme olympique en 2012 et 2016, le baseball sera de retour en 2020… au Japon! On imagine que la sélection locale aura légèrement la pression pour ramener un premier titre olympique!

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Le Japon a remporté deux fois la WBC / DR.

Les règles de sélection ne sont pas les mêmes pour la World Baseball Classic. Dès la première édition en 2006, les joueurs de MLB sont invités à rejoindre l’effectif aux côtés des joueurs de NPB. Ichiro, Matsuzaka, Uhera et autres s’offrent le titre en battant Cuba en finale. Le Japon double la mise en 2009 pour l’édition suivante avec notamment le renfort de Tanaka et Darvish. Victoire contre la Corée du sud en 10e manche. Suivront deux médailles de bronze en 2013 et 2017.

UPDATE 2023 : Le Japon a sans doute remporté son plus beau titre collectif en 2021 : la médaille d’Or à domicile à l’occasion des Jeux Olympiques de Tokyo. Victoire en final contre les Etats-Unis 2-0. On regrette quand même que les conditions sanitaires aient empêché une vraie ferveur populaire dans le stade (très peu de supporters).

Le “Koshien”

Si la NPB est suivie tout au long de la saison, au mois d’août les yeux des fans sont tournés uniquement vers le “summer koshien”. Il s’agit du tournoi d’été opposant des équipes composées de lycéens! C’est le plus grand rendez-vous sportif amateur du pays et il rivalise dans les coeurs avec les Japan Series! Dans le stade justement baptisé Koshien Stadium à côté de Kobe : 50 000 spectateurs et des matchs retransmis sur la télévision nationale NHK qui rassemblent jusqu’à 6 millions de téléspectateurs! Né en 1915, ce tournoi d’été vient de fêter il y a quelques jours sa 101e édition.
Depuis les débuts, les différentes préfectures du pays envoient un de leur lycée pour les représenter. Les équipes ont du auparavant se départager lors de championnats régionaux qui mettent aux prises jusqu’à 4000 équipes. Les 49 survivantes (47 préfectures et une équipe supplémentaire pour Tokyo et Hokkaido) se disputent le titre final quand le championnat professionnel ne rassemble que douze équipes. Le public se reconnait donc souvent bien plus dans ces équipes de lycéens.

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Pour les lycéens japonais, le tournoi d’été est une consécration / DR.

Pour la très très grande majorité des jeunes joueurs, ce tournoi sera leur seule expérience du baseball à haut niveau (47 lycéens ont été draftés en 2017 alors qu’un millier participent aux tournois). Mais même pour les futurs professionnels, le “koshien” reste l’un des ou le meilleur souvenir de leur carrière. Il est aussi omniprésent dans la culture populaire japonaise : mangas, romans, animés, séries, films… Il faut dire que les légendes se sont écrites pendant les maintenant plus de cent ans d’existence du tournoi.
Parmi les plus célèbres : le lanceur droitier Takehiko Bessho sur le monticule pour la finale 1941 alors qu’il s’était disloqué l’épaule gauche,  le futur recordman mondial de HR Sadaharu Oh amena son lycée de Waseda vers la victoire en 1957 malgré une main en sang à cause d’ampoules, les quatre complete games en quatre jours de Koji Ohta pour atteindre la finale 1969, les deux HR de Kazuhiro Kiyohara lors de la finale 1985 ou encore l’épopée complètement dingue de Daisuke Matsuzaka avec le lycée de Yokohama en 1998. Le futur joueur de MLB réalise un complete game avec 148 lancers en 8e de finale, enchaîne le lendemain en quart avec 250 lancers en 17 manches! En demi-finale, il débute le match en champ gauche mais relève en 9e manche et décroche la victoire. Et pour conclure, il s’offre un no-hitter en finale!

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Matsuzaka et son éopée de 1998 conclue par un no hitter en finale du tournoi / DR.

A noter qu’il existe aussi le “koshien” version printemps depuis 1924, un peu moins compétitif et médiatique. Pendant mes recherches, je suis tombée sur ce reportage de NHK World en anglais consacré au tournoi.

Bonus : le Yoshida Challenge

Hasard du calendrier, la Fédération Française proposera la semaine prochaine (28 août au 1er septembre) une nouvelle édition du France International Baseball Tournament. Ce tournoi international, lancé en 2014, est aussi appelé Yoshida Challenge en l’honneur de Monsieur Yoshida, ancien joueur et manager des Hanshin Tigers en Nippon Professional Baseball, membre du Temple de la renommée du baseball japonais et ancien manager de l’Equipe de France de baseball de 1991 à 1995. Cette 3e édition du Yoshida Challenge prend la forme d’une série de cinq rencontres entre l’équipe de France séniors et une sélection japonaise issue du championnats des entreprises. Les parties se disputeront à Rouen, Montigny et Sénart.

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Pour l’équipe de France, ce rendez-vous amical servira de répétition générale avant l’Euro en Allemagne (7 au 15 septembre). Les Bleus devront terminer dans les cinq premiers pour rallier le tournoi de qualification Olympique Europe/Afrique pour les JO de Tokyo. Pour tout savoir sur ce Yoshida Challenge, c’est par ici.

Qu’il soit professionnel, amateur, de clubs, d’équipe nationale… le baseball est une institution au Japon. Nous espérons que ce coup de projecteur sur le “yakyu” vous donnera envie de suivre son actualité. 

Article : Marion Jeterette

Illustration de Une : Valentin Kopech

 


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